Voici une petite vidéo qui a fait parler d’elle au dernier Siggraph.
http://www.youtube.com/watch?v=c-SSu3tJ3ns
Il s’agit de redimensionner l’image en excluant certaines zones soit de façon manuelle soit de façon automatique. Bref de distinguer le fond de la forme, et nous savons combien cette séparation est probématique en art. Puis de produire de la texture supplémentaire pour l’aggrandissement ou d’en enlever en gardant l’homogénéité des formes, des figures. Qu’est-ce que veut dire alors redimensionner l’image? Que produisons-nous comme vision en manipulant ainsi une photographie? Quelle est la procédure qui relie alors la saisie à la post-production? Et que pouvons-nous alors percevoir quand chaque image peut être le fruit d’une recomposition de la relation fond-forme? Que devient l’arrière-plan et avec lui le sentiment même d’un monde?
Cette technologie vient interroger la tradition artistique et par un geste simple (resize) que nous faisons tous, vient aussi problématiser de façon profonde la distinction entre saisie de l’image, sa captation, et travail sur l’image, sa modification. C’est une évolution annoncée depuis longtemps, mais elle semble prendre là une vitesse nouvelle.
Le siècle dernier avait inventé avec le cinéma une certaine production et diffusion industrielles des images. Les deux étaient distincts: production dans le studio hollywoodien, diffusion dans les salles de cinéma du monde entier. Le public contemplait l’écart entre ces deux moments comme sa propre différence esthétique (perception, rétention et une forme de réminiscence du présent propre au cinématographe). Ces deux moments seront de moins moins distincts à l’avenir: la captation permettra un tournage au montage. L’image ne sera pas simplement perçue, elle sera (elle l’est déjà mais dans une moindre mesure) la représentation d’un modèle perceptif. Des caméras saisiront un modèle tridimensionnel d’une scène dans laquelle une caméra virtuelle pourra se déplacer en post-production. Cet après-coup modifie radicalement la captation et nous savons comment notre être-au-monde est une production de cette captation. Je propose le concept d‘antéduction pour désigner ce mécanisme qui déplace certaines des opérations du tournage sur le montage.
Sans doute est-ce là une évolution importante de notre relation au monde médiatisé, transformé, tissé, produit par les images, évolution qui dépasse les questions classiques tentant de distinguer la réalité des simulacres. Capturer une image ce sera capturer un potentiel, quelque chose de possible et d’à venir, non une image persistante et consistante du passé, non une trace de ce qui est, fut-ce simplement de la lumière, mais un tissu à redéployer ultérieurement, le futur. Paradoxalement en pouvant modifier ainsi les images, nous nous rapprochons en quelque sorte de modes de fonctionnement plus subtils du monde, de sa genèse même, de la façon dont la perception se fraye un passage dans le monde par focalisation, ouverture, attention et inattention. La subjectivité est proche, si proche de la phusis.