Premier regard un peu déçu sur le mois de la photographie. Malgré le professionnalisme de la manifestation, de la scénographie, le thème passionnant et la cohérence des choix curatoriaux, la plupart des travaux sont assez banales et donnent un sentiment de déjà-vu. Une relation souvent naïve au cinéma. Beaucoup trop de travaux faisant référence de façon simpliste à l’histoire de l’art (l’art qui parle de l’art devient une nouvelle forme d’art pompier et d’académisme). Pas mal de lieux communs aussi en terme de mise en scène pour les monobandes (ah les lents travellings tarkovskiens dans l’art contemporain!). Serait-ce de l’ironie que d’ainsi recycler des clichés? J’en doute car il n’y a aucun excès, rien ne dépasse, on comprend les dispositifs au bout de quelques secondes et ils sont aussi vite oubliés. Ils ne travaillent pas notre perception.
Je reviendrais peut-être plus longuement sur cette manifestation pour analyser précisément ce qui m’apparait problématique. Il me semble que la manifestation passe tout simplement à côté des nouvelles formes narratives en occultant aussi bien des phénomènes sociologiques qu’esthétiques (jeu vidéo, flux des médias, traduction numérique, real game, dissémination des supports, générativité, programmabilité, etc.) et en nous montrant toujours la même formule narrative fondée sur un petit décalage sémantique: ça raconte quelque chose mais on ne sait pas très bien quoi. Bref, j’ai le sentiment de revenir 15 ans en arrière avec la fascination, à cette époque là, des artistes pour le modèle cinématographique. Au passage on occulte le fait que la situation de la narration a peut être évoluée du fait de la dissémination des médias (youtube, flickr, twitter). Pour une “exploration narrative”, la question de l’espace est d’ailleurs singulièrement absente de la plupart des travaux et c’est sans doute dans ce passage de relai entre le temps narratif (cinéma du siècle dernier) et l’espace fictionnel, que la question aurait pu être véritabement contemporaine.
Une très belle surprise toutefois à la galerie B 312 avec Tres Tiempos de Gustavo Atigas : un homme se laisse renverser violemment par une voiture trois fois de suite. Le vidéogramme est accompagné de 3 séries de photos, une par répétition, composées chacune de 9 photos, 3 en hauteur, 3 en longueur. La répétition de cet événement habituellement unique et brutal pose justement la question du statut narratif de cet événement. Que raconte alors la répétition? On a là la mise en différence entre l’événement représenté, un accident, et l’effet narratif, la répétition. Cette dernière est une ressource importante de la narration, voir en particulier Alain Robbe-Grillet sur ce thème et Klossowski, car la répétition est une force de sélection dans l’événement, réminiscence qui ne peut se répéter qu’en différant ce qui a eu lieu. Je suis sorti de cette galerie heureux. Ce n’est pas si mal. Et puis je n’ai pas encore vu Douglas Gordon à l’UQAM.
A suivre donc.