En forte hausse en octobre, le nombre de demandeurs d’emploi s’élève désormais à 2 814 900 dans l’Hexagone. Un record depuis douze ans.
Ce n’est plus une tendance, c’est une réalité : le chômage s’installe durablement en France. Avec 34 400 demandeurs d’emploi supplémentaires en octobre en catégorie A (personne n’ayant pas du tout travaillé), l’Hexagone enregistre sa deuxième plus forte hausse de l’année. Le nombre de chômeurs s’élève désormais à 2 814 900 en France métropolitaine (+1,2% sur un mois, +4,9% sur un an), un record depuis décembre 1999. En incluant les demandeurs d’emplois ayant exercé une activité réduite (catégories B et C), le nombre total de demandeurs d’emploi grimpe à 4 193 000 (+0,4% sur un mois, +5,2% sur un an), et à 4 459 400 avec les DOM. Particulièrement touchés en octobre : les seniors (+2,4% sur un mois en catégorie A, +15,5% sur un an), et les victimes de licenciements économiques (+7,7% sur un mois en catégories A, B, C).
Une hausse du chômage qui n’est autre que «le reflet direct du ralentissement de l’activité économique», a réagi hier le ministre du Travail Xavier Bertrand, qui a promis une nouvelle fois une «mobilisation absolue sur le front de l’emploi», passant par une «nouvelle feuille de route de Pôle Emploi» et des «modifications réglementaires […] pour que les mécanismes d’activité partielle puissent être mobilisés plus rapidement encore».
Rouge. Fini, cependant, l’espoir d’une baisse – ou d’une stagnation – du chômage en France, après la légère décrue enregistrée sur les quatre premiers mois de l’année. Xavier Bertrand a lui-même reconnu lundi que le – modeste – objectif d’un recul à 9% du taux de chômage (au sens du Bureau international du travail) à la fin de l’année, contre 9,1% actuellement (France métropolitaine), ne serait pas tenu. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pour qui «les perspectives se sont détériorées sur le front de l’emploi», le chômage devrait atteindre 10,4% fin 2012, DOM compris, avant de «se stabiliser en 2013». En cause : une progression de l’économie française d’à peine 0,3% en 2012.
Une sombre projection que les indicateurs relatifs au marché du travail, désormais tous au rouge, semblent conforter. Et en premier lieu, celui des créations d’emplois. Après 78 300 nouveaux postes dans le secteur marchand au premier trimestre, l’économie n’en a généré que la moitié au deuxième trimestre (33 300), avant de quasiment s’arrêter (7 400) au troisième trimestre. Le retournement durable du marché s’illustre aussi avec l’emploi intérimaire, véritable baromètre des évolutions conjoncturelles. Alors même que l’emploi dans ce secteur était reparti à la hausse depuis le deuxième trimestre 2009, il a reculé pour la première fois, depuis cette date, au troisième trimestre 2011, perdant près de 20 000 postes.
Frein. «La situation est extrêmement inquiétante, confirme Michel Husson, de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). Les entreprises souhaitent à la fois restaurer leur productivité, dégradée à la suite de la crise de 2008, mais elles réagissent également au climat de stagnation actuel.» Une combinaison de comportements qui ferait entrer la France «dans une période dure». Et que les politiques d’austérité, qui se multiplient en Europe, devraient renforcer dans les mois qui viennent.
Autre raison de penser que la hausse du chômage devrait persister : le maintien par le gouvernement des différents dispositifs nationaux jouant contre l’emploi. Et au premier rang d’entre eux, le système des heures supplémentaires défiscalisées qui pousse les employeurs à privilégier les heures sup à l’embauche. En période de rigueur budgétaire, le traitement social du chômage, notamment par les contrats aidés, devrait aussi connaître un coup de frein, privant l’exécutif d’un des rares leviers lui permettant d’agir. Le maintien du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et l’allongement de l’âge légal de départ (qui touchera 140 000 personnes d’ici à mai 2012), devrait finir de plomber les chiffres de l’emploi. «La crise explique une part des difficultés du pays et loin de moi l’idée de la sous-estimer, a réagi hier François Hollande. Mais il y a eu des décisions malencontreuses par rapport à l’emploi.» Même sentiment pour la CFDT, qui considère que «le rebond de la crise, les plans d’austérité en France et en Europe […] ne laissaient pas espérer autre chose […] qu’une forte dégradation de l’emploi».«Il y a eu un basculement depuis la crise grecque, conclut Michel Husson. Alors que jusqu’ici on cherchait à amortir les effets de la crise sur l’emploi, aujourd’hui il n’y a plus de scrupules, on nettoie…»
La France au chômage à durée indéterminée – Libération.