Des tests génétiques pour le regroupement familial
“Les députés ont franchi un pas, mercredi 12 septembre, dans la gestion de l’immigration : la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté un amendement autorisant le recours aux tests ADN lors de la délivrance des visas de plus de trois mois. “En cas de doute sérieux sur l’authenticité de l’acte d’état civil”, les agents diplomatiques ou consulaires pourront “proposer” au demandeur d’un visa “d’exercer, à ses frais, la faculté de solliciter la comparaison de ses empreintes génétiques aux fins de vérification d’une filiation biologique déclarée”. “
Donc ils vont tester génétiquement les immigrés et définir la famille selon ce fameux code. Ce serait fait, peut-être maintenant, peut-être plus tard. Cela aura lieu. Cela a eu lieu déjà.
L’extériorité, l’étranger, le dehors peut être quantifié, modélisé, identifié. Il ne s’agit pas de l’accueillir de façon inconditionnelle parce qu’il est inanticipable, parce qu’il est justement ce qui vient, l’à venir, mais de le recevoir en définissant sa recevabilité, s’il correspond aux critères définis par le dedans.
La première étape était de le quantifier économiquement, de savoir s’il correspondait au marché du travail, de l’associer à un chiffre, à une rentabilité. Dictature de l’économie qui semble incontestabe aujourd’hui. Logiquement ce chiffre vient se greffer maintenant sur le corps, pas seulement sur une action du corps (le travail), mais aussi sa filiation, ses origines, son devenir. La famille devient génétique, avoir des enfants c’est se reproduire, c’est une activité de brassage génétique.
Ils ont enfin trouvés le chiffre (au sens du code) des corps étrangers. Après les avoir ouverts, disséqués, tués, ils ont enfin inventés le secret de ces corps. Ils pourront maintenant les lire et dire à haute voix ce qu’ils cachent.
Retour à l’identité (elle n’avait jamais quitté la hantise politique), retour de la Terreur, à celle du corps en tant qu’elle se réduit à une entreprise techno-scientifique. Ce qui est intéressant là est que la techno-science ne permet pas d’approcher les phénomènes mais les construit de part en part. C’est performatif. Car la relation familiale peut-elle, doit-elle se définir par le génétique? Es-ce là sa vérité? Et à quoi pensez-nous (à quoi pensent-ils? car je ne serais jamais avec eux même hypothétiquement) quand ils estiment avec un tel test dire la vérité familiale, détenir l’ultime preuve, prononcer le dernier mot, comme si la discussion sur ce qu’est une famille pouvait avoir une fin, comme si justement avoir des enfants, des parents, des ancêtres et des descendants, comme si cela pouvait s’arrêter. En donnant le dernier mot de la filiation, on commence à exterminer et on peut être sûr que celle-ci passera à l’acte, de symbolique et langagière, elle fera disparaître les corps réels.
La tradition historique de cet amendement est claire: il s’agit de la doctrine raciale et génétique, de ce qui s’est inventée en Europe au milieu du XIXe siècle (Godineau, Houston Steward Chamberlain, Vacher de Lapouge ) et que les nationaux socialistes ont appliqués sans avoir tous les moyens dont les politiques, les fonctionaires, la banalité du mal disposent aujourd’hui.
Voilà où ils en sont. Voilà pourquoi il faudra se battre pour laisser une place à celui qui vient, sans réserve.