“…un candidat à la présidentielle ne peut pas être l’otage complaisant d’une dérive stupide aux rentes germanophobes” F. Fillon
En 2010 Y. Threard, vigie du Figaro, taxait élogieusement A. Merkel de “Bismarck en Jupon”. L’euro n’était pas au bord du gouffre, l’humour était de rigueur. Coup sur coup, les socialistes ont franchi la ligne Maginot comme se plaît à le signaler sur twitter un des gardiens du bastion européen A. Leparmentier (dans un article du Monde). En effet J.M. Le Guen a affublé le président de la République de “Daladier à Munich”, tandis qu’A. Montebourg gratifiait son auditoire de : “la question du nationalisme allemand qui est en train de ressurgir à travers la politique à la Bismarck de M. Merkel”. Relents de germanophobie dit-on.
Christopher Dombres
On ne comprendra pas l’attrait de l’Allemagne par les élites françaises sans comprendre son modèle de développement. Une machine économique totalement tournée vers l’exportation. Mais aussi une puissance continentale qui impose sa phobie historique de l’inflation à tous ses voisins.
Chez F. Fillon ou J. M. Aphatie aucune germanophilie particulière, mais plutôt un modèle de soumission à l’austérité, et aux impératifs de la mondialisation néo-libérale. Un bon support pour seriner le discours sur la reforme et la dette à un auditoire encore rétif. Le modèle allemand, c’est la névrose des classes dirigeantes françaises, comme le signale E. Todd dans un entretien donné à Mediapart. Tout représentant du cercle de la raison finira à un moment ou un autre par citer l’exemple vertueux de nos amis d’outre-Rhin. Avec de grosses ficelles relevant souvent de la métaphore footballistique. Discipline, effort, rigueur…
Or cette oligarchie qui affiche sa germanophilie ne subit pas les conséquences de la mondialisation. Pour ce cénacle, il faut transformer l’économie française en économie allemande. Ce qui pour des raisons culturelles, historiques et démographiques s’avère rigoureusement impossible.
On assiste avec l’Allemagne et les élites économiques françaises à un sauve-qui-peut intellectuel. Devant la débâcle du capitalisme globalisé, qu’ils ont promu durant trois décennies, ils cherchent un modèle encore présentable. En ce sens, les gros clichés germaniques ont encore un fort pouvoir de persuasion.
Pourtant, un modèle totalement inique puisque toute construction hégémonique édifiée sur les excédants commerciaux se fait aux dépens de pays tiers, la balance commerciale mondiale étant globalement nulle. Au lieu de ramener les Allemands à la raison en pointant leur façon unilatérale de profiter de l’euro et du marché intérieur européen, on imagine que l’on pourrait bénéficier de la même martingale du commerce extérieur. Comme si tous les pays du monde pouvaient être en excédant…
La xénophobie a bon dos quand il s’agit de critiquer un modèle économique inopérant. On a peu entendu F. Fillon prendre la défense de Grecs vilipendés pour leur laxisme dans des termes aux «relents xénophobes». On assiste aussi à un vertigineux glissement sémantique quand on se souvient de la manière dont le gouvernement français est tombé à bras raccourcis sur une poignée de Roms en juillet 2010. On voit nettement émerger la prééminence de l’économique sur l’humain au sommet de l’état. Beaucoup plus ému par des déclarations incisives sur une grande puissance économique du continent, que par des historiettes vaseuses sur les arabo-auvergnats.
Si la polémique économique sur l’Allemagne a autant agité le gouvernement et les élites françaises, c’est qu’elle ranime le sentiment égalitariste (assez français finalement), et rompt avec le paradigme hégémonique libéral : être fort avec les faibles.
Vogelsong – 4 décembre 2011 – Paris