Il y a souvent de belles surprises, des rencontres égarantes, des sensations qui interrogent et qui troublent. Lorsqu’on va voir une exposition d’art contemporain il y a souvent, il y a parfois ces fugacités dont nous faisons part ici. Il y aussi des déceptions, d’autres questions, un mécontentement malgré le fait qu’on voudrait aimer, qu’on est attentif, ouvert à ce qui se donne à voir, bref qu’on est bon public. On peut être frappé par le retour d’une forme d’académisme dans le champ de l’art.
N’avons-nous donc pas souvent le sentiment en parcourant une exposition collective de voir le même monde, la même atmosphère? Ne ressentons-nous pas parfois une homogénéité entre des travaux aux auteurs pourtant différents? Ne sommes-nous pas régulièrement saisis par un sentiment de déjà-vu devant une oeuvre que pourtant nous n’avons jamais vu? N’y a-t-il des thèmes tranversaux, des manières de faire, des trucs esthétiques qui reviennent d’oeuvre en oeuvre comme autant de lieux communs?
Il faudrait alors distinguer deux sortes de clichés: le cliché qui met en action une esthétique sociale, c’est par exemple le cas du pop art, et le cliché qui rejoue un truc artistique, une manière de faire entendue. On peut donc distinguer comme des polarités le cliché exogène et le cliché endogène.
Le second cliché est à la source de ce que nous déterminons ici comme un art académique et ceci au sens très précis de l’Académie, c’est-à-dire de travaux artistiques destinés au monde de l’art, c’est-à-dire aux artistes, aux critiques et aux étudiants. Le cliché exogène a une autre puissance parce qu’il vient interroger, par la répétition qui n’est pas nécessairement critique (cf readymade) c’est-à-dire qui ne suppose pas un métalangage se plaçant au-dehors de ce qui est représenté, notre quotidienneté la plus banale. Le cliché exogène est une esthétique de la société industrielle où les objets manufacturés induisent une standarisation des perceptions comme condition de leur individuation.
Quand un travail artistique n’opère que du point de vue des références au monde de l’art qu’il effectue, alors on peut penser que son esthétique est faible, au sens où elle ne vient qu’activer une connaissance qu’elle présuppose chez le regardeur. Il se peut par contre que des références endogènes ne soient pas contradictoires avec une perception exogène. On peut placer des références sans que la reconnaissance de celles-ci soient nécessaire à une perception possible de l’oeuvre. C’est pourquoi nous ne pourrions séparer totalement les deux formes de clichés. Ce sont des polarités.
Il importe à présent de répérer et de faire la typologie précise de l’académisme en art contemporain. Nous proposons trois catégories à étudier:
- Le Zeitgeist ou cahier de tendances: c’est l’air du temps, les tendances des magazines d’art, ce qui est à la mode. Dans un monde artistique qui communique de plus en plus, il est inévitable que les travaux se répétent, se déclinent, s’inspirent parfois de façon passive. De véritables vagues d’oeuvres homogènes se produisent de mois en mois, dont le reflux est aussi brutal et définitif que l’afflux.
- Les références: ce sont les travaux qui se référent à la sphère historique de l’art pour produire une complicité avec le public. Ce caractère référentiel produit un sentiment d’appartenance au même monde. On peut faire une lecture marxiste en terme d’identité de classe de cette stratégie esthétique. La référentialité est un caractère scolaire (bon élève qui a bien appris sa leçon, soumission à un ordre institué).
- L’autonomisation: ce sont les oeuvres qui parlent d’elles-mêmes, du contexte de monstration, de l’institution. Il faut bien remarquer que si l’art du XXe siècle s’est développé autour de ces passionnantes questions contextuelles, à présent les travaux qui reprennent ce questionnement font face à un contexte qui a changé, ce qui veut dire que les institutions aiment cette forme de contestation qui vient justifier en creux leur autorité et leur place dans la société. Etant donné que cette autonomisation a déjà été largement poussé de Marcel Duchamp à Hans Haacke, on peut s’interroger sur l’autonomisation de l’autonomisation qui est une forme de réification des pratiques esthétiques. Il faut donc jeter un regard critique par rapport à ce qui pourrait simplement être une façon de soi-même s’accorder une place dans un contexte donné.
Une simple esquisse d’un travail avenir. Revoir aussi la question de l’art pompier au XIXe siècle.