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Grégory Chatonsky. Readonlymemories (ParisArt)

Publié le 29 septembre 2007 par Gregory71

Appartenant à la nébuleuse d’artistes gravitant autour d’incident.net, Grégory Chatonsky est présent au festival «@rt outsiders» à la Maison européenne de la photographie du 12 au 30 septembre prochain. L’occasion de revenir sur la démarche de ce surdoué du web art.

Au travers de sa série de photos numériques Readonlymemories, Grégory Chatonsky interroge les univers fictionnels et notre croyance en ceux-ci en donnant son interprétation des «territoires invisibles» auxquels est dédié cette année le festival «@rt outsiders».
Les clichés numérisés, issus de séquences filmiques célèbres, sont collés les uns aux autres pour reconstituer une sorte d’image mentale que nous nous forgeons d’un lieu situé dans un film. Les démarcations de ces collages sont visibles comme pour mettre en lumière les assemblages perceptifs que nous effectuons.
Grégory Chatonsky semble recourir ici à ce que Michaël Riffaterre nomme, pour le roman, l’«illusion référentielle», c’est-à-dire notre tendance à nous identifier aux personnages d’un récit, et à croire naïvement à ce qui est raconté.

En reconstituant le décor de films connus par juxtaposition des photos de séquences, Grégory Chatonsky touche du doigt ce fait que nous recréons mentalement, comme en collant des séquences, un univers fictionnel que nous tenons pour vrai. Par le collage, la supercherie du décor se trouve dissimulée, et ne reste que l’apparence trompeuse.
Les séquences de Fenêtre sur cour recréent l’univers clos du voyeur, tapi dans l’obscurité de son appartement. La photographie numérique semble ainsi usurper, fausser la fonction de preuve — ce gage de réalité — qu’on lui a souvent attribuée. Une telle réflexion sur l’univers fictionnel est d’ailleurs en corrélation avec le travail de Grégory Chatonsky sur les univers virtuels et les possibilités offertes par les nouvelles technologies.

Où s’arrête le réel et où commence le virtuel? Dans une séquence de 12 minutes intitulée Vertigo@home, Grégory Chatonsky avait reconstitué au moyen de Google Street View le parcours effectué à San Francisco dans le film éponyme d’Hitchcock: quelle séquence est la plus réelle ? Entre le fictionnel et le virtuel y a-t-il un partage à faire ? Le parcours effectué est le même; mais en quel sens? Les deux trames s’emmêlent comme les souvenirs de Scottie dans Vertigo. La bande-son reste la même que celle de Vertigo, tandis que les séquences hors parcours donnent lieu à un écran noir, vide de sens.

C’est à un autre type de distorsion à laquelle est soumis Casablanca, le célèbre film noir de Michaël Curtiz. Les paroles des acteurs sont intactes dans une sorte de sous-titrage sans que les images du film ne soient présentes. Les dialogues s’enchaînent en même temps que défilent, soit des séquences de couleurs alternées, soit des pixels qui apparaissent sur écran noir, soit des images qui semblent n’avoir aucun lien avec le film. Sans les séquences filmées correspondantes, les paroles sont dénuées de sens et perdent presque leur cohérence comme une sorte de babillage volubile et incompréhensible. La parole est alors comme suspendue dans le vide. Il en ressort une vive sensation d’inconfort.

Des travaux de Grégory Chatonsky, on retiendra avant tout le questionnement sur le médium, le support, bousculé et fragilisé à l’heure d’internet et des contenus en réseaux. Dans le texte qui accompagne Peoples, l’une de ses dernières créations, Grégory Chatonsky note que «nous sommes seulement de passage». Que reste-t-il de ces flux incessants ? Se baignera-t-on un jour dans le même fleuve ? On peut se demander si le mobilisme d’Héraclite n’a pas été pensé pour notre époque…

Agathe Attali

www.paris-art.com/numerique/numerique/4365/gregory-chatonsky-readonlymemories.html


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