Alerté par un jeune de la région, un expert de l’association Pingwin Planet a découvert une substance hautement toxique et cancérigène dans le petit village d’Hagenthal-le-Bas. Les chemins ruraux ainsi que la rivière sont contaminés, et c’est le résultat d’une pollution vieille de quarante ans par une usine locale qui produisait du lindane, un insecticide aujourd’hui interdit.
- Découverte d’une substance toxique dans le village d’Hagenthal-le-bas
Une substance particulièrement toxique vient d’être découverte dans le petit village alsacien de Hagenthal-le-Bas (Haut Rhin).
Félicien Filleul, un jeune de la région, a décidé d’alerter l’association environnementale Pingwin Planet (récemment créée) après avoir senti des «odeurs bizarres» sur un petit chemin du village, au printemps dernier. Il raconte : «Depuis tout petit je jouais sur le chemin devant chez mes parents. J’ai toujours senti cette odeur très forte mais quand on est enfant, ça nous amuse plus que ça ne nous inquiète. Puis, adolescent, j’ai vu des cancers se multiplier dans le voisinage et j’ai été sensibilisé aux dossiers de la pollution chimique, notamment avec la décharge du Letten. En début d’année, j’ai donc contacté Martin Forter, car c’est lui qui avait fait bouger les choses pour le Lertzbach».
Martin Forter, de Pingwin Planet, explique : «le béton et les graviers contiennent de l’hexachlorocyclohexane (HCH), une substance très toxique, dans des concentrations allant jusqu’à 750 g par kilo. Cette substance aujourd’hui interdite est très dangereuse. Elle est cancérigène et peut être un perturbateur endocrinien. Depuis des années, l’eau de pluie lessive le HCH, contaminant les prés voisins et la rivière, le Lertzbach, dans laquelle des poissons sont pêchés».
- Origines de la pollution
C’est l’usine Ugine Kuhlmann (rachetée entre temps par le groupe Rio Tinto) qui est responsable de cette pollution, puisqu’elle produisait du lindane, un insecticide aujourd’hui interdit. Cette pollution durerait depuis plus de quarante ans.
Martin Forter avait déjà réalisé en 1995 un documentaire sur l’usine Ugine Kuhlmann qui aurait excavé du gravier toxique, ensuite récupéré par un entrepreneur alsacien pour aménager les chemins ruraux de la commune. Il ne savait pas jusque-là où étaient entreposés les graviers et l’appel de Félicien Filleul lui a permis d’orienter ses recherches.
Des analyses sur des prélèvements de gravier, poissons et galets de la rivière ont mis à jour des quantités particulièrement élevées de HCH, jusqu’à 750g par kg. Cette substance aurait tout d’abord pollué le revêtement des routes avant de se répandre dans la rivière voisine, le Lertzbach.
La rivière étant désormais contaminée, les poissons le sont aussi. Une contamination humaine serait donc possible, avec les risques de cancer qu’elle entraîne. De plus, le HCH se répand aussi dans les prés, contaminant le lait des vaches qui y paissent.
Ces dernières années ont vu les incidents de pollution se multiplier dans cette région. Par exemple, certains laboratoires suisses comme BASF, Syngenta et Novartis ont investi de grosses sommes pour excaver des déchets de laboratoires enfouis cinquante ans plus tôt.
- Mobilisation de Martin Forter
Des analyses avaient déjà été menées en 2005 et avaient décelé la présence de HCH dans les eaux du Lertzbach, mais aucune action n’avait été menée à l’époque. Martin Forter en profite pour dénoncer les autorités françaises qui, selon lui, étaient au courant de cette pollution depuis 1972 mais n’ont rien fait.
Il estime que même si l’usine n’est pas responsable juridiquement de la pollution, elle l’est moralement. Ce serait donc à elle d’organiser la dépollution, et la commune d’Hagenthal n’a de toute façon pas les moyens d’organiser la dépollution selon le Maire, qui attend par ailleurs d’autres résultats d’analyse.
Martin Forter, aidé par l’association Pingwin Planet et Félicien Filleul, a décidé de mobiliser les autorités, riverains et associations de défense de l’environnement pour inciter Rio Tinto à prendre en charge la dépollution, ce qui selon lui ne prendrait pas plus de quelques mois.
- Avis Sequovia
Les dangers de la pollution chimique ne sont plus à démontrer. Pourtant, les produits chimiques sont partout et les particules chimiques se retrouvent dans l’environnement. Le problème vient du manque d’information sur les conséquences de ces substances sur la santé, mais aussi sur la pollution de l’eau et des sols. Après un vide juridique de plusieurs années, plusieurs textes de loi régissent maintenant les différentes familles de substance chimiques, comme la réglementation européenne REACH. Cependant, les problèmes évoqués ici viennent d’une pollution plus ancienne.
Ce nouveau cas de pollution démontre bien les dégâts causés par l’industrie chimique dans la région, qui connaît aussi de nombreux cas de cancer. Même si le lien entre les deux n’est pas encore établi, la question mérite d’être étudiée plus en profondeur. La mobilisation de Martin Forter permettra peut-être de s’y intéresser de plus près.