A la galerie Laurent Godin, la belle exposition de Wang Du qui présente 50 000 photographies prises par lui et par d’autres. Cette accumulation transforme bien sûr la photographie qui redevient un médium, un matériau qui peut à son tour représenter autre chose, par exemple une ville, avec sa skyline et ses buildings.
C’est tout autre chose que ce qui est en jeu dans le Nouveau Réalisme, dans les multiplicités d’Arman par exemple qui reste du côté de la répétition identique. Là on ne répète pas, on différencie mais dans une telle démesure que personne, entendez aucun spectateur, ne pourra jamais en faire le décompte. L’expérience esthétique consiste ici à déborder notre capacité perceptive. Jamais nous ne pourrons en faire le décompte et nous sommes pris entre cette perception et la raison, le concept par lequel nous savons qu’il y a bel et bien 50 000 photographies imprimées.
L’entendement ne parvient pas à faire la synthèse et doit donc s’abandonner à ce sentiment des multiplicités qui ne peuvent être ni senties individuellement ni penser conceptuellement mais simplement supposées, comme quand nous nous promenons dans une ville et que nous supposons les habitants sans les connaître. Voilà pourquoi Wang Du “représente” une ville avec ses multiplicités photographiques, la ville (un peu comme chez Matt Mullican) n’est pas subsumable et est donc un objet profondément sensible.
Avec cette exposition on dépasse la logique du pop art et de la répétition industrielle. Nous entrons dans l’ère des multiplicités et dans un nouveau régime d’articulation entre l’imagination, l’entendement et la raison.