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La boucle paradoxale de l’ordinateur-monde

Publié le 12 octobre 2007 par Gregory71

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L’ordinateur est une machine qui à partir d’une mathématique simple produit de la variation. L’incrémentation (1+n) en est la modalité la plus fréquente. La combinaison conditionnelle (if, else) de ces opérations simples produit un effet de complexité dont le résultat peut être inanticipable. C’est la mise en causalité temporelle de ces instructions (fait ceci et puis cela s’il y a ceci) qui donne des effets sensibles.

Cette façon d’opérer a pour conséquence inattendu de rendre l’ordinateur difficilement anticipable. Il devient lui-même en tant qu’objet, forme et matière, variable. Des opérations simples répétées des journées entières font crasher un système d’exploitation. Pourquoi cette instabilité alors même que l’ordinateur semble un monde contrôlé?

On peut se demander si cette instabilité matérielle de l’ordinateur-objet n’entraîne pas une suspension particulière de la causalité et donc de la condition même de l’instrumentalité technique, ce qui serait là un effet pour le moins paradoxal.

Il y aurait en ce point précis une boucle paradoxale: la conception instrumentale appliquée au monde (ce qu’Heidegger a nommé l’Arraisonnement), considère ce dernier comme un ensemble d’opérations simples agencées d’une certaine façon. Cet agencement est un méta-langage. En réifiant cette conception du monde dans l’ordinateur, la causalité produite redevient inanticipable, elle dépasse nos attentes, produisant un monde qui n’est plus seulement instrumental: pourquoi cet ordinateur ne fait-il pas ce que je lui demande? Comment ça marche? Pourquoi ça plante?

Cette boucle paradoxale du monde à l’ordinateur qui revient au monde, est elle-même un schéma soumis à la causalité, mais avec elle les effets ne sont pas identiques aux causes. Cette non-identité de la causalité indétermine la relation entre le monde et l’ordinateur.

Pourquoi une telle non-adhérence? Son “origine” (et les guillemets sont ici importants car il est question de l’indétermination de toute genèse) réside dans le passage contigu entre l’idée (en tant que futur) et la matière (en tant qu’avenir) ou en d’autres termes entre le projet que l’on souhaite anticiper et l’objet qui défie toujours notre attente. Ce passage est au coeur du mode de réalisation technologique avec lequel il s’agit de réaliser des choses, et conditionne de part en part son émergence différentielle. C’est parce que dès sa genèse la plus intime, l’ordinateur est hanté par cette différence entre le monde des idées et le monde des matières formées, qu’il reproduit en quelque sorte cette différence en suspendant nos attentes.

Comprendre comment on passe ainsi d’un régime à un autre reste problématique car si l’articulation est belle et bien causale, elle produit du nouveau. Il faut encore ajouter que la compréhension de ce phénomène au-delà de l’horizon platonicien rend la démarche plus difficile encore.

Ce paradoxe de la production du nouveau explique pour une part importane l’intrication entre l’ordinateur et l’affectivité dont nous sommes tissés: la propension, l’anticipation et la rétention qui sont au coeur de nos désirs, siègent également dans ce tissu de processeurs et silicone.


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