Nous supposons toujours d’une façon ou d’une autre la neutralité matérielle du spectateur. Alors même que les espaces de la galerie et du musée ont été largement critiqué d’un point de vue institutionnel, jusqu’au ressassement, nous ne parvenons encore à penser le public que comme des esprits déterminés culturellement. Nombreuses sont les oeuvres, à la manière d’Hans Haacke, qui questionne le spectateur dans son intériorité: déterminations psychologiques, sociologiques, connaissances existantes ou supposées, etc. Mais n’est-ce pas là une idée étrange que de considérer seulement intellectuellement le public? N’y-a-t-il pas un déjà-là de la présence?
Ce déjà-là peut être la couleur des vêtements, les techniques emmenées avec soi lors d’une exposition, le regard, la manière de parler, et d’autres choses encore. Le public est toujours instrumenté de quelque façon. Si nous faisons une oeuvre qui dépend de ce déjà-là, si par exemple cette oeuvre ne fonctionne qu’à la condition d’un déjà-là (au sens où le spectateur n’est pas prévenu de comment il doit être pour que l’oeuvre soit visible) nous mettons le public face à lui-même, devant une absurdité: la non-disponibilité ou la disponibilité de l’oeuvre selon une causalité à laquelle il est lié mais dont il n’est pas le concepteur. Il y a là un caractère arbitraire, une frustration sans doute mais qui me semble pouvoir questionner le statut de celui qui regarde.