J’ai souvent dit que j’aimais les moments charnières où la vie bascule. Parce que je suis optimiste, j’envisage de belles surprises, des instants magiques où la grâce passe, le temps qui s’arrête au creux d’une épaule ou d’une après-midi… et puis si je joue avec les situations dans lesquelles se débattent mes personnages, c’est moi qui tire les ficelles. Je savoure certainement cette toute-puissance sur papier pour contrebalancer les aléas de la vraie vie, sur lesquels je ne peux pas grand-chose. Long préambule pour dire qu’il y a quelques semaines la vie m’a prise à revers, l’inattendu pouvait tourner au drame, les secondes semblaient aussi longues que des minutes, rien n’allait plus… Heureusement plus de peur que de mal, et ce soir mon propos n’est pas d'entrer dans des sphères trop intimes mais plutôt de partager quelques réflexions suite à cette vie en marge que j’ai menée pendant presque un mois.En effet nous faisons des projets, organisons vacances, travail, voyages, deux billets pour les Caraïbes; bonnes ou mauvaises, nos journées ont leur tracé, leurs marques, leurs garde-fous, nous roulons sur des rails, plus ou moins bien huilés. Et puis un jour, arrêt sur image : il y a des trains à attraper en courant, des sacs à faire trop vite en oubliant la brosse à dents, des rendez-vous à décommander, des réunions à annuler, parce que tout ce qui constitue notre quotidien est supplanté par une urgence, par une nouvelle qui prend toute la place. Alors on perd ses repères, les choses que l’on croyait si importantes deviennent tout d’un coup insignifiantes, on revoit sa liste de priorités… On se retrouve à midi dans un endroit insoupçonné où l’on n'aurait jamais pensé mettre les pieds, on embarque dans des avions qui ne figuraient pas dans notre agenda… on parle à des inconnus, on s’agite, on essaye de trouver le sommeil dans des lits trop étroits qui ne sont pas les nôtres, on vit en marge de sa vie. Je pense évidemment à ces hommes et femmes pour lesquels l'existence n’est qu’une longue épreuve en marge d'une société qu’ils regardent passer devant eux, assis sur leurs trottoirs, en essayant de survivre avec un horizon hors norme - mais là aussi un bout de carton sur une bouche de métro peut devenir un semblant d’habitude.Entre ces deux extrêmes, ne vaudrait-il pas la peine de s’aménager des marges provoquées, désirées? Changer de programme, abandonner momentanément une tâche pour laquelle on s'imagine indispensable et monter dans un bus au hasard, aller jusqu’au terminus simplement pour se perdre dans le regard changeant des passagers qui défilent selon les arrêts et les quartiers, récolter des bribes d’autres vies, de rues entrevues ; suivre une impulsion, s'étonner, susciter l'insolite, mais sans le planifier, dans l’instant…Ces moments nous apporteraient de l’oxygène, de l’air frais, la distance nécessaire pour considérer des points de vue différents ; ils bousculeraient notre train-train, remettraient certaines de nos idées en place, ouvriraient des perspectives intéressantes.Qui sait? Si cela pouvait nous rapprocher, ne serait-ce qu'un tout petit peu, de ceux et celles qui n’ont pas d’autres choix que de vivre en marge d'un emploi du temps trop balisé!
J’ai souvent dit que j’aimais les moments charnières où la vie bascule. Parce que je suis optimiste, j’envisage de belles surprises, des instants magiques où la grâce passe, le temps qui s’arrête au creux d’une épaule ou d’une après-midi… et puis si je joue avec les situations dans lesquelles se débattent mes personnages, c’est moi qui tire les ficelles. Je savoure certainement cette toute-puissance sur papier pour contrebalancer les aléas de la vraie vie, sur lesquels je ne peux pas grand-chose. Long préambule pour dire qu’il y a quelques semaines la vie m’a prise à revers, l’inattendu pouvait tourner au drame, les secondes semblaient aussi longues que des minutes, rien n’allait plus… Heureusement plus de peur que de mal, et ce soir mon propos n’est pas d'entrer dans des sphères trop intimes mais plutôt de partager quelques réflexions suite à cette vie en marge que j’ai menée pendant presque un mois.En effet nous faisons des projets, organisons vacances, travail, voyages, deux billets pour les Caraïbes; bonnes ou mauvaises, nos journées ont leur tracé, leurs marques, leurs garde-fous, nous roulons sur des rails, plus ou moins bien huilés. Et puis un jour, arrêt sur image : il y a des trains à attraper en courant, des sacs à faire trop vite en oubliant la brosse à dents, des rendez-vous à décommander, des réunions à annuler, parce que tout ce qui constitue notre quotidien est supplanté par une urgence, par une nouvelle qui prend toute la place. Alors on perd ses repères, les choses que l’on croyait si importantes deviennent tout d’un coup insignifiantes, on revoit sa liste de priorités… On se retrouve à midi dans un endroit insoupçonné où l’on n'aurait jamais pensé mettre les pieds, on embarque dans des avions qui ne figuraient pas dans notre agenda… on parle à des inconnus, on s’agite, on essaye de trouver le sommeil dans des lits trop étroits qui ne sont pas les nôtres, on vit en marge de sa vie. Je pense évidemment à ces hommes et femmes pour lesquels l'existence n’est qu’une longue épreuve en marge d'une société qu’ils regardent passer devant eux, assis sur leurs trottoirs, en essayant de survivre avec un horizon hors norme - mais là aussi un bout de carton sur une bouche de métro peut devenir un semblant d’habitude.Entre ces deux extrêmes, ne vaudrait-il pas la peine de s’aménager des marges provoquées, désirées? Changer de programme, abandonner momentanément une tâche pour laquelle on s'imagine indispensable et monter dans un bus au hasard, aller jusqu’au terminus simplement pour se perdre dans le regard changeant des passagers qui défilent selon les arrêts et les quartiers, récolter des bribes d’autres vies, de rues entrevues ; suivre une impulsion, s'étonner, susciter l'insolite, mais sans le planifier, dans l’instant…Ces moments nous apporteraient de l’oxygène, de l’air frais, la distance nécessaire pour considérer des points de vue différents ; ils bousculeraient notre train-train, remettraient certaines de nos idées en place, ouvriraient des perspectives intéressantes.Qui sait? Si cela pouvait nous rapprocher, ne serait-ce qu'un tout petit peu, de ceux et celles qui n’ont pas d’autres choix que de vivre en marge d'un emploi du temps trop balisé!