Les Alice, par contre, je les ai dévorés, collectionnés, lus et relus. Ces histoires de détective et de mystères ont littéralement enflammé mon imaginaire entre 8 et 12 ans. Je pense que je les ai presque toutes, à une ou deux exceptions.
Chaque fois, je me glissais avec une immense jubilation dans un monde de bandits, faux-monnayeurs, individus sans scrupules, fantômes: des malles disparaissaient, de tiroirs secrets surgissaient d'incroyables découvertes. Avec Alice et le vase de Chine, je me passionnais pour le kaolin et fouillais les boutiques de tabatières chinoises sous les arcades de la rue de Rivoli (qui n'existent plus depuis...) et suite à la lecture d'Alice et les trois clefs, j'achetais comme un trésor un morceau d'obsidienne, la pierre dont étaient faites ces fameuses clefs! C'est aussi grâce à la jeune détective que je me suis intéressée au jade.
Alice me plaisait avec ses cheveux sagement retenus par un serre-tête, et ses twin-sets et colliers qui cachaient une hardiesse peu commune pour une jeune fille de 16 ou 18 ans... Elle conduisait une voiture de sport, avait un boy-friend, partait en excursions avec ses amies, Marion et Bess... je la plaignais de n'avoir plus sa mère, j'admirais avec elle, son père, l'avoué James Roy. Je la trouvais très jolie, sous le crayon d'Albert Chazelle, illustrateur talentueux qui donnait des visages à mon imagination.
Je me demandais si quelqu'un avait inspiré l'auteur et si River City existait quelque part aux États-Unis...Tant et si bien que je décidais d'écrire à Caroline Quine pour lui poser des questions, via les éditions Hachette. J'ai correspondu très tôt avec les écrivains que j'aimais. Quelque temps après, je reçus une lettre timbrée des USA... La secrétaire de Caroline Quine - l'en-tête indiquait Carolyn Keene - me remerciait: regardez la photo, j'ai encore la lettre, glissée dans un des livres. Inutile de dire ma joie, même si j'apprenais que la ville et le personnage n'étaient que pure fiction!
Depuis, le charme persiste et je feuillette toujours avec plaisir ces recueils de souvenirs dans lesquels j'aimerais parfois avoir le temps de me replonger. Pourtant, j'ai su que les livres d'Alice, qui s'appelle Nancy Drew en Amérique du Nord, et dont les premiers datent de 1930, sont le fruit d'un collectif d'auteurs au sein du "Syndicate Stratemeyer", et que donc, Caroline Quine... n'a jamais existé!