L’invention de la destruction (Paris, France)

Publié le 31 décembre 2007 par Gregory71

Vernissage le 9 janvier 2008 de 16h à 22h
Exposition du 10 janvier au 1er mars 2008

Numeriscausa
53 boulevard Beaumarchais 75003 Paris
+33 1 42 78 24 26
contact@numeriscausa.com / www.numeriscausa.com
du mardi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous

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Si Karlheinz Stockhausen déclarait que les attentats du 11 septembre sont une oeuvre d’art, il faut savoir entendre au-delà de la provocation d’un tel propos, l’esthétisation croissante de la destruction. Sans doute l’écroulement du World Trade Center est une image qui a modifié de part en part notre imaginaire et qui continue encore aujourd’hui à nous hanter. Nous avions déjà vu ces images, avant que l’événement ait lieu, dans les films hollywoodiens, images de catastrophes, tours en flamme, corps plongeant dans le vide, nuages de poussière.

Nous avons été habitués à la destruction par les images de la télévision qui paradoxalement nous laissent de plus en plus insensibles et nous éloignent de ce que nous voyons. Nous sommes alors face à des images qui ne sont pas seulement la captation d’un événement, mais sa mise en scène, sa représentation, comme si l’événement lui-même avait été orchestré pour n’être qu’une image.

D’autres images de guerre ont depuis circulé, souvent liées au 11 septembre, des corps mutilés, des bâtiments détruits, des pays décimés par la guerre civile. Nous y sommes restés insensibles, étant à proximité des images, des informations, des données. Nous gravitons autour de ce néant. Nous nous méfions à présent de tout.

Pourquoi la destruction est-elle au coeur des images produites par les médias? Que se passe-t-il dans le changement d’état convoqué par la destruction? Cela a-t-il rapport à une transformation des relations entre la forme et la matière? Que nous arrive-t-il quand la forme devient méconnaissable et que la matière brute semble progressivement se libérer de sa silhouette? Que nous arrive-t-il à ce moment précis et infime de la dislocation, dans cet entrelacs? S’agit-il simplement d’un événement négatif ou est-il possible d’envisager la dislocation comme quelque chose de productif?

Grégory Chatonsky propose de revisiter cette question par un parcours qui part d’un incident informatique courant: l’effacement d’un disque dur qui entraîne la perte d’une mémoire personnelle dans l’installation sonore My hard drive is experiecing some strange noises (2006)

Cette mémoire est hantée par les images du cinéma du siècle dernier. Les images projetées dans la salle obscure viennent s’imprimer dans notre imaginaire. Il s’agit de déconstruire la découpe de l’espace et du temps propre à l’enregistrement filmique, de le mettre à plat, afin de revoir, encore et encore, ces images (Readonlymemories, 2003).

À partir de modèles informatiques, Chatonsky produit des photographies, des vidéos, des sculptures stéréolithographiques dans Dislocation II (2006) pour soumettre des meubles à différents états de dislocation. En ralentissant la vitesse de destruction, en modélisant le résultat de celle-ci, en cherchant dans des jeux d’ombre et de lumière, dans la texture d’une poussière artificielle comment fixer le moment même où la forme se défait et n’est plus reconnaissable.

Dans Dociles (2006), les fragments d’un corps de femme sont déposés dans un appartement. Ces morceaux sont délicatement positionnés dans un tissu qui modèle le corps de son drapé. La destruction est ici corporelle, là encore, elle n’est plus la marque d’une violence, mais d’un travail de mémoire, d’une séparation qui nous laisse avec la sensation d’une peau, l’effleurement d’une chaleur.

Ce sont d’autres corps encore qui sont disloqués à la surface du réseau. Chacun écrit ses sensations, ses sentiments, ses pensées. La communauté se disperse sur Internet, elle se répand. L’intime devient publique. Le registre (2007) (avec Claude Le Berre) est une tentative pour sauvegarder le caractère fugitif du réseau. Un logiciel va chercher des affects sur des blogs qui sont ensuite archivés sur des livres uniques et conservés dans une bibliothèque potentiellement infinie.

Cette passion de l’anonyme qui traverse Internet, vient disloquer notre propre identité. Car tous ces objets détruits, esthétisés dans leur disparition viennent nous troubler. Just don’t know what to do with myself (2007) (avec Stéphane Sikora) est une installation interactive ou le visiteur peut enregistrer son empreinte digitale dont l’image se déforme progressivement, se déplace et devient l’origine non d’une identification, mais d’une transformation infinie en détruisant le principe voulant qu’A soit égal à A.

À travers ce parcours, il s’agit de porter un autre regard sur la destruction, de comprendre selon quelle esthétique elle s’invente pour entrouvrir ce qui met à distance la matière et la forme dans nos activités les plus banales.

MY HARD DRIVE IS EXPERIENCING SOME STRANGE NOISES, 2006
installation sonore

READONLYMEMORIES, 2003
photographies

DISLOCATION II, 2006
photographies, sculptures et vidéos

DOCILES, 2006
photographies

LE REGISTRE (2007)
Installation

JUST DON’T KNOW WHAT TO DO WITH MYSELF, 2007
installation interactive et gravures