J'ai déjà évoqué cet été Monsieur Yamagata en présentant deux de ses exceptionnels thés noirs 2nd flush. Le revoici cette fois avec les versions 1st flush, récoltes de printemps des deux mêmes cultivars : Oku-musashi et Beni-fûki, disponible dans ma sélection Thés du Japon.
Yamagata-san n'a que 23 ans, et cela fait pourtant pas loin de 10 ans que ce fils de producteur de thé vert s'essaie à la production de thé noir. Peu satisfait du gros de la production de thé noir japonais (il est vrai que dans l'ensemble c'est pas la panacée) il est le seul à tenter de se rapprocher des méthodes de fabrication de Darjeeling, et a même reçu l'enseignement d'un manager de Thurbo (célèbre "jardin" de Darjeeling).
Il exerce à Bungo-Ôno, dans le département de Oita, seul département de l'île de Kyûshû à ne pas être connue comme région productrice de thé.
Je suis tombé par hasard sur internet sur une présentation de son Oku-musashi, ce qui m'a de suite donné envie de découvrir. Je suis entré en contact avec ce jeune producteur, et subjugué par sa passion, j'ai voulu présenté son travail de qualité, à l'avenir très prometteur. Il lui reste encore beaucoup à expérimenter, fabrication, cultivars, etc, mais ce qu'il fait est déjà dans le haut du panier du thé noir au Japon.
Oku-musashi
Des feuilles très jolies que j'infuse de la façon suivante:
3g, 140ml d'eau bouillante, 4min.
La densité des arômes qui s'échappent la liqueur est impressionnante. Sur un fond de notes florales sucrées, c'est surtout des arômes de fruits jaunes mûrs, ou en compote, pêche, abricot, mangue.
Les saveurs de cette liqueur jaune-orangée font parfaitement écho au parfum, c'est du très doux, sucré, fruité. Arrière goût et longueur en bouche sont un délice. Pas la moindre trace d'astringence.
Une intéressante alternative est de mettre le double de feuilles pour 100 ml seulement d'eau à 80°C, pour 20 à 30s secondes d'abord, puis on augmente peu à peu les paramètres pour un nombre important d'infusions. Cela est moins intéressant qu'avec les thés noirs de Hiruma-san, mais donne une bonne vision analytique de ce que ce thé renferme.
Beni-fûki Il s'agit du plus célèbre des cultivars japonais à thé noir, ses ancêtres se trouvent à Assam en Inde. On peut donc attendre quelque chose de très différents.Des feuilles un peu plus ternes que Oku-musashi, mais tout de même jolies. Mêmes paramètres d'infusion (en fait, un peu moins de feuilles, un peu moins longtemps que Oku-musashi est plus satisfaisant). La puissance des arômes qui s'en dégagent n'a rien à envier à Oku-musashi, même si le registre change un peu. Le fond florale reste très proche, mais le fruité se fait plus discret pour laisser apparaître des parfums épicés (un peu plus classique pour du thé noir ?), poivre, vanille, cannelle, qui se confirment dans la saveur de la liqueur. Avec Beni-fûki, on aurait pu craindre quelque chose de très tannique, mais il n'en est rien, le tout reste très doux et sucré, l'astringence est à peine perceptible (à la différence de la version 2nd flush). Encore une fois, longueur en bouche de cette liqueur rouge-orangée, une forte douceur qui tient du miel et du fruit confit.
De la même manière, infusions multiples très chargées, peut être une expérience à tenter. Le côté tannique ressort alors plus nettement.
Pour les deux thés, le producteur propose comme méthode d'infusion 3g pour 250ml-300ml d'eau, pendant 7 min. Moins concentré mais peut être plus précis dans les arômes, il me semble que cette méthode conviendra plutôt aux amateurs purs et durs de thé noir.
En bref, ce sont deux formidables et très uniques thés noirs japonais, qui ne sont bien sûr pas comparables aux très grands crus first flush de Darjeeling, mais qui laissent percevoir un grand avenir, et procurent déjà un immense plaisir. J'avais envie de dire comme dans le cas des 2nd flush que ma préférence allait à Oku-musashi, mais après re-dégustation aujourd'hui, à froid, de ces récoltes de printemps, impossible de départager.