Grégory Chatonsky, une exposition à voir absolument (Jean-Pierre Balpe)

Publié le 20 janvier 2008 par Gregory71

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La toute nouvelle galerie Numeris Causa (53 Bd Beaumarchais 75003) expose, du 9 janvier au 1 mars 2008, L’invention de la destruction de Grégory Chatonsky, ensemble de travaux menés à partir de la technologie numérique.

Depuis l’installation d’un disque dur dont les données ont été accidentellement détruites et qui persiste cependant à produire un travail sonore (My hard drive is experincing some strange noises - 2006)  jusqu’aux livres à tirage unique créés automatiquement à partir de la capture sur Internet de phrases commençant par “I feel” (The register - 2007) et donc traduisant des sentiments, en passant par I just don’t know what to do with myself (2007) installation interactive traitant de façon très graphique en direct et en temps réel les empreintes digitales des visiteurs, cette exposition propose cinq œuvres — ou ensembles d’œuvres —, pour la plupart dans l’opposition digitale noir-blanc, bien représentatives de la façon dont l’artiste conçoit l’apport des technologies numériques à la création artistique.

Il s’agit en effet ici de mettre en œuvre les rapports multiples et omniprésents de dépendance-indépendance, représentation-symbolisation, que le virtuel (comme autre dimension) entretient avec le matériel. Le virtuel n’est pas un réel fantasmé mais une multiplication infinie des promesses ou des déceptions du réel, quelque chose comme un autre réel, un réel à la fois sous, sur et dans le réel qui peut, à ce titre être également vécu comme réel. Cette problématique est profondément celle du monde (j’ai désigné cela dans une autre des notes de ce blog “hypermonde”) dans lequel nous vivons. Comment, par exemple, la captation d’une partie de nous-même — l’empreinte digitale — peut-elle ainsi se transformer de façon instantanée dans un autre univers que celui quotidien de l’empreinte, avec cette conséquence que le corps (une partie du corps. On retrouve d’ailleurs cette problématique, traitée tout à fait différemment, dans Dociles - 2006) devient œuvre, c’est-à-dire introduit à une autre dimension du sens ? La digitalisation, la réduction ultime du sens puisqu’il n’y a plus qu’une opposition binaire possible, ouvre sur une infinités de productions sémantiques. L’univers de captations qui nous cerne, nous traitant comme des corps morts, des corps fractionnés, dépecés s’ouvre alors sur une production automatique infinie, la fragmentation des formes est, sans cesse, production de formes. Surgénération d’informations. Telle chose, lieu, moment… pris ça ou là trouve, par cette digitalisation, une vie autre dans une dynamique de production (et non de reproduction, la différence est essentielle…) infinie, proprement inimaginable. Rien n’est jamais détruit, tout se transforme. D’où peut-être cette fascination contemporaine du virtuel que les technologies numériques symbolisent et permettent de mettre en scène, quelque chose comme une promesse d’éternité construite.

Il me semble qu’avec des travaux de cette nature l’art numérique cesse, enfin, d’être un travail technologique pour atteindre une certaine maturité, celle de la création artistique dont un des rôles essentiels, grâce à la distance qu’elle instaure par rapport au réel brut, est certainement de prendre son spectateur dans les intrications du monde qu’il vit et construit.

A ce titre, les travaux de Grégory Chatonsky, nous impliquent totalement.