Au Québec, l’idée d’un « registre de loyers » pour empêcher leurs hausses abusives fait son chemin. Que faut-il en penser?
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec
Les défenseurs des droits des locataires veulent que Québec crée un registre des loyers. Pour empêcher les hausses « abusives ». Quand je demande à de propriétaires d’immeubles à logement ce qu’ils en pensent, ils me répondent tous : à quand un registre des mauvais locataires?S’ensuivent les anecdotes : un propriétaire doit débourser 1500 $ parce qu’un chat a pissé partout sur le tapis, au point où le proprio a dû arracher le tapis et le remplacer au complet. Un locataire a peint en rouge foncé deux pièces de l’appartement — même si le règlement de l’immeuble l’interdit. Un porc empile ses déchets dans le salon. Ou les lancent par la fenêtre…
Revenons au registre des loyers. Il permettrait aux locataires de connaître, en un coup de fil, le dernier prix payé pour un appartement qui les intéresse. Et d’aller se plaindre à la Régie si le nouveau prix affiché leur paraît trop élevé. Cette proposition se défend. C’est une simple question de droit et de transparence.
Mais du côté des propriétaires, qui profitent souvent d’un changement de locataire pour hausser leur prix, on craint la venue d’un tel registre. Un nombre croissant de nouveaux locataires pourraient l’utiliser pour limiter la hausse des loyers.
Le vrai problème
Le nœud du problème, c’est le contrôle par la Régie du logement du prix des loyers au Québec. Les hausses suggérées, depuis des années, sont déconnectées de la réalité du marché. Et bien inférieures à l’évolution du prix des immeubles.
Oui, le prix des loyers a fortement augmenté depuis 10 ans. Mais bien moins que le coût des maisons et des immeubles. Et que dire des taxes municipales, qui suivent la même trajectoire. Doit-on se surprendre que les propriétaires cherchent à augmenter leurs loyers pour mieux refléter le marché, et couvrir leurs frais?
Les abus existent sûrement, comme partout. Les propriétaires ne sont pas des anges. Ils sont là pour faire de l’argent. Mais dans le contexte, des hausses soudaines de loyer peuvent parfois se justifier. Si par exemple l’ancien locataire avait pu limiter pendant des années le prix de son loyer grâce à la Régie, certains propriétaires vont profiter du déménagement pour remettre le prix de leur loyer au niveau du marché.
Cercle vicieux
Surtout, un contrôle du prix des loyers — s’il ne concorde pas avec la réalité du marché immobilier — peut avoir des effets à long terme désastreux. D’abord, il rend moins profitable la construction de logements locatifs (pourquoi pensez-vous qu’il se bâtit tant de condos à Montréal, et si peu de logements locatifs?)
Non seulement le stock d’immeubles diminue, mais aussi sa qualité. Les proprios vont être réticents à investir et rénover leurs logements s’ils ne peuvent couvrir leurs frais avec une hausse de loyers. Et vu la pénurie de logements et le contrôle des prix, certains n’en ressentent même pas le besoin! Ils savent que, rénovation ou pas, leur logement sera loué, et au même prix.
Au final, on se retrouve avec moins de logements, et des pénuries. Résultat : les propriétaires demeurent avec le gros bout du bâton. On n’est pas plus avancé.
Pour aider les ménages à encaisser la hausse des loyers, il serait plus avisé que le gouvernement subventionne directement les familles et les individus concernés. Une telle aide directe permettrait de cibler ceux qui en ont vraiment besoin — car des gens aisés profitent aussi du contrôle des loyers. Et surtout, d’éviter les effets néfastes d’une politique de contrôle des loyers qui, à long terme, cause plus de dommages que de bien.
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