De plus en plus de projets artistiques ne sont plus des objets. Le concept d’installation lui-même semble dépassé pour décrire des propositions qui ne sont pas seulement structurées sur une certaine disposition de l’espace comme chez Nauman et d’autres. Avec l’installation, la circulation dans l’espace est nette.
Certains parlent de multimédia pour décrire ces travaux semblant mêlés des images, du son, de la vidéo, des odeurs. Mais cette description ne fait qu’effleurer l’esthétique qui se développe depuis quelques années et qui est fondée sur des atmosphères.
Par ce concept on ne veut ni désigner une immatérialité face à laquelle nous avons les plus grandes réserves philosophiques (car qu’est-ce qui pourrait être immatériel au juste?) ni du relationnel dont le concept esthétique nous semble faible même s’il regroupe des oeuvres importantes. Par atmosphère on souhaite signaler des travaux qui nous plongent dans une Stimmung, c’est-à-dire dans une tonalité affective, sans qu’on puisse dire que c’est telle ou telle dimension qui provoque cet état. C’est pourquoi beaucoup de ces dispositifs font appel à plusieurs médias en nous plongeant ainsi dans un état d’incertitude.
Les atmosphères sont infra-mince, elles troublent la détermination de la causalité esthétique et c’est pourquoi il est si difficile de les décrire. Cela semble une obligation de les expérimenter, de voir par soi-même. Pour développer des atmosphères les artistes visuels ont introduits le son, les vibrations, la lumière, le tactile, le climat comme composantes. Ils développent des fictions qui semblent dépourvus de fil linéaire, ce sont des restes de fictions sans narration.
L’atmosphère n’est pas éloignée de l’ambiance qui en est la socialisation mais si l’ambiance c’est ce qu’il y a entre les individus, l’atmosphère c’est ce qui se dégage d’un monde, du passage d’un élément à un autre élément, ce passage venant brouiller ce qui fait passer. Cette proximité avec l’ambiance peut toujours entraîner les atmosphères esthétiques vers des effets faciles, de l’animation sociale, des stratégies publicitaires de type évenementiel. Elles peuvent également tendre vers l’immersion du spectateur, désir de le haper, de le prendre, de le détenir, mais les atmosphères sont légères, infra-minces, hésitantes, elles laissent toujours le monde tel qu’il est persister, elles se présentent comme des simulacres.