Les personnes et…les tribunaux sont plus durs vis-à-vis de ceux qui commettent des exactions qu'envers ceux qui les laissent se produire. Cette étude publiée dans l'édition en ligne de la revue Social Cognitive and Affective Neuroscience, montre que cette distinction morale est psychologiquement automatique et que cela nécessite beaucoup plus d'activité cérébrale pour considérer, comme moralement équivalente, ces deux situations. Plus surprenant, le Code pénal reflète spontanément ce mécanisme pour la première fois décrypté en neuroscience.
On dit invoquer un principe éthique pour différencier les actes qui causent du mal à autrui de l'inaction délibérée qui laisse le même dommage se produire. Cette distinction est même codifiée dans le droit pénal. Pourtant, cette étude fondée sur des scanners du cerveau, montre que nous faisons cette distinction morale automatiquement. Les chercheurs constatent que décider, a contrario, que les comportements actifs et passifs seraient tout aussi nocifs et « responsables », nécessite un raisonnement conscient et une activité cérébrale « plu poussée ».
Les auteurs donnent l'exemple d'une patineuse qui desserre la lame du patin d'une rivale, ou qui remarque que la lame est desserrée mais ne prévient personne. Dans les deux cas, la patineuse rivale perd la compétition et est grièvement blessée. Que ce soit en agissant, ou en omettant d'agir, la patineuse est responsable du même préjudice.
La neuroscience des dilemmes éthiques: Le Dr. Fiery Cushman de l'Université de Brown a recours à des expériences comportementales, des enquêtes en ligne, et à l'IRM pour comprendre, depuis plusieurs années, comment le cerveau agit pour traiter des dilemmes moraux. "Lorsque quelqu'un nuit activement à une autre personne, cela déclenche une forte réponse cérébrale. Vous n'avez pas à réfléchir et percevez cet acte immédiatement comme moralement répréhensible. Quand une personne laisse faire un préjudice qu'elle pourrait éviter, cela exige une mobilisation importante de sa pensée. »
L'étude a été menée sur 35 bénévoles mis face à des dilemmes moraux. Les bénévoles disposaient d'une description de la situation, des personnages, de leurs choix moraux et de leurs comportements et devaient noter leur culpabilité sur une échelle de 1 à 5. Les auteurs, alors à l'Université d'Harvard ont suivi le flux sanguin dans le cerveau des volontaires par IRMf. L'idée était de confirmer les conclusions d'expériences comportementales publiées en 2006, à savoir l'automatisme de la pensée est que le préjudice actif est plus grave que le préjudice passif.
Or, les participants qui parviennent à une conclusion différente, c'est-à-dire que dans certains cas, laisser faire est aussi grave que faire, montrent une plus grande activité dans le cortex préfrontal dorsolatéral que ceux qui ne pas de distinction morale. Pour le chercheur, « il est remarquable que notre système juridique consacre la croyance que le préjudice actif est pire que le préjudice passif » et soit donc le reflet d'un mécanisme cérébral spontané.
L'auteur illustre ce résultat par un fait d'histoire : En 1997, la Cour suprême américaine avait statué qu'un médecin ne peut pas avec la permission explicite d'un patient, directement euthanasier le patient (actif), par une surdose de morphine par exemple, mais qu'il peut suivre la directive d'un patient qui souhaite mourir (passif). La Cour d'appel avait ensuite statué que l'euthanasie et le soutien à la fin de vie étaient du même ressort.
Ces mécanismes neurologiques sous-jacents aboutissent à des jugements moraux « évidents ». L'auteur suggère donc l'importance d'une réflexion supplémentaire, au-delà de ces mécanismes et, parfois, au-delà du droit…
Source:Social Cognitive and Affective Neuroscience via Eurekalert (AAAS) et Brown University
Are doing harm and allowing harm equivalent? Ask fMRI(Visuel : Crédit: Cushman Lab / Université Brown - Les sujets qui pensent qu'un préjudice passif peut-être aussi « grave » qu'un préjudice actif montre une activité cérébrale supplémentaire.)
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