La face la plus haute de l’âme exerce deux oeuvres. Avec l’une, elle comprend Dieu, sa bonté et son émanation. Grâce à cela elle aime aujourd’hui Dieu mais elle ne le comprend pas demain. C’est pourquoi l’image n’est pas dans les puissances, en raison de leur instabilité. Une seconde oeuvre s’exerce dans la face la plus haute, et celle-là est cachée. L’image se tient dans ce qui est caché. L’image a en elle cinq choses. La première, c’est qu’elle est faite par un autre. L’autre, c’est qu’elle est ordonnée selon lui (dont elle est l’image). La troisième, c’est qu’elle est une émanation. La quatrième : elle lui est pareille selon la nature, non qu’elle soit de nature divine ; je dis plus : elle est une substance qui se tient en elle-même, elle est une pure lumière qui a flué de Dieu, là il n’y a plus de différence, que celle qu’elle comprend Dieu. La cinquième : elle est penchée sur l’image dont elle est venue. Deux choses ornent l’image. La première : elle tient sa couleur de lui. L’autre : elle tient de lui une part d’éternité. L’âme a en elle trois puissances. Ce n’est pas là que se tient l’image. Je dis plus : elle a une (autre) puissance qui est l’intellect agent. Or Augustin et le nouveau maître disent que là, à l’intérieur, se trouvent unies mémoire, intelligence et volonté sans aucune différence entre les trois. C’est l’image cachée qui se défait dans l’être divin et l’être divin luit sans intermédiaire dans l’image. La volonté de Dieu est que nous soyons saints et que nous fassions les oeuvres afin de devenir saints. La sainteté dépend de la raison et de la volonté. Les meilleurs maîtres disent que la sainteté réside dans le fond et dans le plus haut de l’âme, là où l’âme est dans son fond, là où elle échappe à tous les noms et à ses propres puissances. Car les puissances sont aussi une chute en dehors (de la Déité). De même qu’on ne peut donner aucun nom à Dieu, de même on ne peut donner aucun nom à l’âme dans sa propre nature. Et lorsque les deux s’unissent, c’est la sainteté.
L’être est si noble qu’il donne l’être à toutes choses. S’il n’y avait pas d’être, un ange serait comme une pierre.
Maître Eckhart (1260-1327).
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