Haute n’est pas un vain mot puisqu’il s’agit très exactement de 1380°.
La Cité de la céramique est composée désormais de deux unités, sous une seule direction, la première consacrée à la conservation, avec le Musée, la seconde à la production.
L’enjeu était phénoménal au XVIII° siècle. Seuls les Chinois savaient alors faire de la porcelaine, parce qu’ils étaient les seuls à disposer du kaolin.
C’est la découverte de gisements en Allemagne puis à Limoges qui ont donné accès à la pâte magique aux Européens. Devenir capable de fabriquer sa propre porcelaine était un challenge énorme alors qu’une simple assiette de porcelaine ne fait plus figure d’exception aujourd’hui.
La Manufacture ne pouvait être que Royale. Les contrefaçons de l’époque sont des faïences de Deft, blanches avec un décor bleu, piètrement ressemblantes. En aiguisant son regard on repère que sous l’émail blanc la pâte est grise et qu’il ne s’agit donc pas d’une porcelaine.
En 1876 la Manufacture migre en bordure de Seine où elle se trouve toujours. Les anciens bâtiments abriteront l’École normale supérieure de jeunes filles jusqu’en 1940. Depuis 1945 ils abritent le Centre international d’études pédagogiques et leur aspect extérieur est resté le même.
La manufacture accueille régulièrement des élèves d’écoles primaires dans un partenariat instauré depuis 2006 avec l’Éducation nationale appelé les Petits Dégourdis de Sèvres. L’intitulé fait référence au terme de dégourdi désignant une première cuisson à 900° qui permet d’émailler et de peindre.
Après avoir touché dans leur classe des matières emprisonnées dans des petits sacs (papier bulle, toile cirée, papier de verre, fibre végétale …) chacun avait donné ou imaginé des mots qui avaient été notés dans une ébauche de lexique. Ils avaient découvert les lieux dans le cadre des Journées du Patrimoine et fait la connaissance d’un artiste.
Il y a beaucoup de pistes à travailler avec les enfants, à commencer par leur demander comment la terre peut bien « tenir ».
A l’époque de Louis XV on faisait appel à des artistes. Cela reste vrai aujourd’hui. On peut tout aussi bien refaire à l’identique un objet ancien comme réinventer des nouveautés. 32 corps de métiers y travaillent, ce qui fait qu’un objet peut passer entre 32 paires de mains, sur un délai de parfois un an, dans un rapport au temps qui n’est pas celui que nous vivons dans notre quotidien. Qui reste unique au monde et qui justifie son appartenance à l’industrie du luxe où le degré d’imperfection n’excède pas le zéro absolu.
Première salle dite du moulin :
Depuis le camion de cailloux jusqu’à la porcelaine émaillée et raffinée tout est entièrement fait à la main, à l’exception de quelques machines dans la première partie du processus.
Chaque matière est broyée séparément et il existe plusieurs types de mélange.
La pâte est délayée dans de l’eau de pluie pour obtenir ce qu’on appelle de la barbotine. Une goutte de colorant est ajoutée pour repérer les différentes pâtes d’un seul coup d’œil. Mais après cuisson toutes les pièces seront blanches.
L’ennemi absolu de la porcelaine est le métal (il explose à la cuisson). Il faut donc passer la poudre au filtrage aimanté. On voit les trois aimants en ailettes sur le cliché.
Deuxième salle dite galerie des moules. Il en existe une autre, dite le Magot qui recèle les moules historiques.
Troisième salle dite galerie des fours :
La porte du four est obturée par la construction d’un mur. Elle est soigneusement bouchée. Le feu est allumé par une allumette géante d’une quarantaine de centimètres qu’on appelle alandier et qui est une sorte de branche dont l’écorce arrachée par endroit s’enroule sur elle-même.
Il ne doit pas désemparer pendant 36 heures. On laissera ensuite refroidir 3 semaines avant d’ouvrir.
Quand un objet nécessite plusieurs émaux c’est la couleur qui doit cuire à la plus haute température qui est appliqué en premier. Il y a autant de cuisson que de couleur (et à raison d’un refroidissement de 3 semaines entre chaque on commence à comprendre qu’il faille un an pour sortir une assiette).
Une vingtaine de maisons diversement parfumées, toutes des réalisations d'élèves, se dressent au garde-à-vous ...
alors que la raison d'être de la pyramide de la cour d'honneur demeure un mystère, même pour le personnel de la Manufacture.