La famille de Annegret Reh-Gartner est depuis des lustres dans la distribution de vins. Si Annegret a pris en charge le lourd Reichsgraf von Kesselstatt, sa soeur s'occupe de l'investissement bourguignon de la famille : le Domaine Bertagna.
A Reichsgraf von Kesselstatt, sur les bords de la Ruwer, les choses sont un peu compliquées, du fait de l'éloignement des principaux vignobles qui sont sur les 3 Etats : Mosel, Saar, Ruwer. Beaucoup d'équipements et de personnel sont en triple exemplaires. Les charges sont donc supérieures à d'autres, mais ce n'est pas cela qui arrêtera la volonté de réussite par le haut des propriétaires. Seul l'évêché de Trèves a ainsi des vignes sur ces 3 régions.
En Allemagne, comme en France, quand ce sont des femmes qui sont à la tête de propriétés viti-vinicoles, on dénote assez facilement un entêtement supérieur vers la réussite et la juste reconnaissance.
Warum nicht ?
Région de prédilection des grands rieslings européens, la Mosel/Saar/Ruwer (à Metz on écrit "Moselle") est une région singulière tant les collines bergeant ces fleuves tranquilles peuvent avoir de redoutables pentes escarpées où le travail de la vigne n'est pas mécanisable et où donc l'homme y souffre plus qu'ailleurs. Il faut une sacrée dose d'abnégation pour entretenir cette terre rare qui subsiste en une minime épaisseur sur des sols granitiques, volcaniques ou d'ardoises bleues ou noires.
Membre de l'illustre confrérie VDP, Reichsgraf von Kesselstatt a trouvé un bel équilibre entre production de vins secs et vins doux (la meilleure traduction pour "süss" ?), et une harmonie entre ventes nationales et export. Très longtemps, le marché allemand suffisait à l'écoulement des vins produits. On n'y gagnait pas grand chose, mais comme on a des goûts simples, cela a suffi pour une ou deux générations.
Les choses ont changé, et face à une concurrence mondiale croissante, l'Allemagne a compris qu'elle avait une carte à jouer sur des vins semblables à nuls autres. Certes, elle souffre de deux handicaps : une langue pas fondamentalement compréhensible ni même lisible pour la vaste majorité des anglo-saxons (je ne parle même pas des asiatiques) et une législation à côté de laquelle nos lois françaises d'AOC sont d'une limpidité cristalline !
Ne soyons pas mesquins : c'est finalement secondaire, car dans le monde d'aujourd'hui, ce qui compte vraiment, c'est la réputation du nom, du Domaine et de ses notes dans les principaux guides.
Nous avons dégusté à Kesselstatt essentiellement des vins "secs" (soit moins de 8 g de sucre résiduel) et s'il fallait résumer de deux mots les caractéristiques majeures de ces crus, ce serait "race et limpidité". Bon, vous me direz qu'avec le riesling, c'est facile. C'est un peu comme avec le pinot noir : ou c'est résussi et on navigue alors entre le grand et le sublime, ou ce n'est pas réussi et là, on arrête tout de suite car cela devient très, très vite médiocre ou quelconque. Ce qui n'est pas le cas, convenez en, avec un chardonnay ou un assemblage de merlots/cabernets où on accepte plus facilement des moyennes cosi-cosi.
QUELQUES PHOTOS
A côté des vignes d'Egon Müller sur le célébrissime climat "Scharzhof" : merci de patienter au moins dix ans.
Un des joyaux de Kesselstatt, version "Kabinett"
L'époux d'Annegret, Gerhard Gartner, un ancien chef ** macarons au Guide Rouge, un joyeux luron comme seules les régions vinicoles peuvent en produire ! Ici, on parle français et on respecte Napoléon qui a levé le joug de l'Eglise sur toute une région où elle régnait en maître absolu.