Les plus récents résultats confirment en cette fin d’année 2011 que nous sommes à un tournant et face à de véritables mutations sociales, dont les "jeunes" sont les grands révélateurs.
Comment la France d’aujourd’hui vit-elle et mange-t-elle ?
L’étude, très ambitieuse, pilotée par l’Unité de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle (U557 Inserm/Inra/Cnam/Université Paris 13) et dirigée par le Pr Hercberg, se fonde sur le principe d’un Programme National Nutrition Santé (PNSS) proposé aux internautes volontaires. Elle a évidemment pris soin de respecter la répartition des participants suivant les régions.
Au cours de cette étude épidémiologique, les internautes acceptent de répondre chaque année à des questionnaires précis sur leur alimentation (3 enregistrements de 24h), activité physique, IMC, état de santé, contraintes et motivations influant sur leur comportement alimentaire. En outre, ils reçoivent tous les mois par mail des informations sur l’état d’avancement de l’étude, et peuvent librement remplir des questionnaires complémentaires en apportant un supplément de données (20 mn par questionnaire).
À l’heure actuelle, soit après 30 mois, les données récoltées portent sur 206 000 volontaires inscrits, dont 76% sont des femmes, 49,2% ont plus de 45 ans, 60% occupent un emploi, 15,3% sont retraités, 9% étudiants ou lycéens, 6,5% chômeurs ou allocataires du RMI, 5,8% au foyer.
Toutes ces données doivent restituer une image fidèle de nos comportements alimentaires et montrer la capacité d’adéquation de la population française aux recommandations nutritionnelles du PNNS. Avec un score d’adéquation à ces recommandations évalué sur une échelle de 15 points.
Des tendances fortes à mi-parcours : les plus jeunes ne suivent pas les recommandations du PNNS
Pour le moment, l’Unité de recherche chargée de NutriNet-Santé, après examen de 150 000 résultats, constate qu’en moyenne les femmes respectent mieux les recommandations du PNSS que les hommes, avec un score médian d’adéquation aux recommandations (sur 15 points) de 8,8 pour les hommes et 9,3 pour les femmes.
La proportion de volontaires ayant les plus hauts scores d’adéquation aux recommandations nutritionnelles est aussi moindre chez les obèses (-50 % chez les hommes et -10 % chez les femmes)que chez les participants d’un IMC «normal».
De même, le pourcentage de participants présentant une bonne adéquation aux recommandationsnutritionnelles est notablement plus élevé chez les sujets les plus âgés que chez les plus jeunes : 52% des plus de 65 ans, contre un petit 16% chez les 18-25 ans.
Le score médian, de même, apparaît supérieur chez les sujets les plus âgés par rapport aux plus jeunes, en particulier chez les femmes, avec un écart de 2 points entre les scores des 18-25 ans et des plus de 65 ans (augmentation linéaire).
Par ailleurs, l’adéquation aux recommandations du PNNS varie selon la catégorie socioprofessionnelle, ce qu'a déjà confirmé cette étude par le passé et que d'autres études ont égalament montré. Ainsi, le pourcentage d’adéquation aux recommandations est plus faible chez les ouvriers (24%) que chez les cadres et professions intellectuelles supérieures (36%). De même, le score médian d’adéquation aux recommandations le plus bas observé chez les ouvriers (8,6) et le plus élevé chez les cadres (9,3 chez les femmes et 9,5 chez les hommes, toujours sur 15). La meilleure adéquation aux recommandations se révélant quasi proportionnelle au niveau de revenu des personnes : 42% chez les plus hauts revenus contre 22% seulement chez les revenus les plus faibles.
Outre l’appartenance socioprofessionnelle déjà largement connue, et les difficultés peu surprenantes rencontrées par les personnes obèses, même de bonne volonté, ainsi que les fumeurs, cette étude du PNSS met donc d’ores et déjà en relief le grave problème posé aujourd’hui par les jeunes, leur façon de vivre et de s’alimenter, et les répercussions évidentes sur leur santé…
Quelles causes ? Comment agir ?
Le programme nutritionnel recommande en effet « au moins 5 fruits et légumes par jour ou 3 produits laitiers par jour ». Or les jeunes ont tendance à fuir les fruits et légumes. Ils leur préfèrent en général l’hyper, le consistant : pâtes, frites, pizzas, et glaces…
Le Pr Hercberg s’en inquiète. Il faut y voir selon lui « un effet générationnel », des différences de comportements alimentaires propres à une génération, et pas seulement un effet d'âge. L'information est un des leviers pour lutter contre les disparités socio-économiques, ajoute-t-il, un effort de communication vers l’ensemble de la population est nécessaire: « Expliquer que manger du poisson en conserve – des sardines, du thon, du maquereau – c'est très bien et pas tellement cher. »
Enfants obèses : la responsabilité des parents ?
S’agissant des jeunes, population sensible et exposée, certains sont alors tentés d’incriminer également l’éducation. Mais l’expérience américaine, encore une fois, doit en l’occurrence inciter à la prudence.
20minutes.ch s'est récemment fait l'écho du cas extrême dans l'Ohio aux Etats-Unis, d'un enfant de 8 ans pesant 90kg et dont le Ministère de l'Enfance et de la Famille a demandé la garde sous prétexte que cet excès de poids relevait de la maltraitance.
« Dans les cas sévères d'obésité infantile, dit-il, l'enlèvement peut être justifiable d’un point de vue juridique. D’une part dans le cas de risques directs pour la santé de l'enfant, d’autre part dans le cas d'échecs chroniques des parents à résoudre les problèmes médicaux. »
Dr David Ludwig, pédiatre spécialiste de l’obésité
Malheureusement, retirer l’enfant à ses parents semble une fausse solution. ABC News avait couvert le retour dans sa famille d'Anamarie après que l'on ait découvert que son excès de poids était génétiquement prédisposé.
« Ce n'est pas juste ce que le docteur Ludwig fait, parce que, pour aller mieux, vous avez besoin d'être avec votre famille et non d'être entourée de médecins. »
Anamarie Martinez
L'incrimination sommaire des parents n'est sans doute pas une solution en soi, mais l'éducation des parents et des enfants demeurent un véritable défi dans le cadre d'une lutte ardue entre l'industrie agro-alimentaire d'une part et la santé publique d'autre part. Aider les parents et les enfants à acquérir les fondamentaux concernant la valeur nutritionnelle des aliments, les bases de l'équilibre alimentaire, etc. doit donc rester au coeur des actions à mener.
RTL a choisi de couvrir le sujet en organisant un débat sur son antenne suite à l'écho de cet enfant arraché à sa famille, vous pouvez en savoir plus ici et regarder la vidéo.
Sources : www.etude-nutrinet-sante.fr, http://www.20min.ch/ro/news/monde/story, ABC News