La critique de Claude :
Ces derniers mois ont été riches en visites d’abbayes (Cluny, Fontaine, Tournus, Moissac, Flaran, St Sever) : pour mieux comprendre, quoi de plus naturel que de lire cette « Vie des moines » ?
La Règle prévoit tout : elle rythme les nuits et les jours, par les offices et les prières, elle organise l’espace du monastère (le plan cistercien est reconnaissable dans les abbayes visitées de nos jours), elle définit les fonctions de ceux qui encadrent et forment, comme de ceux qui assurent l’ordre et la vie matérielle. Elle fait sa place au travail manuel comme à l’étude et à la contemplation, mais la prière domine tout.
Ambition formidable que celle des fondateurs (et des fondatrices, peu évoquées dans cet ouvrage) : faire monter à Dieu une immense prière collective de jour comme de nuit, à la chapelle comme aux champs ou à l’atelier de fabrication des livres. Autour des abbayes, les croyants et d'abord les puissants, comprennent que les moines oeuvrent à leur salut, et les soutiennent, notamment par d’énormes dons.
Ce livre expose cette organisation fervente de la prière. Même s’il est d’un accès un peu difficile, par sa richesse même, il est utile, comme toutes les « Vies quotidiennes ».
Une réflexion supplémentaire, venue à Cluny, la plus grande abbaye européenne : à la veille de la Révolution, il ne reste plus que 18 moines à l’abbaye. Pourquoi ce déclin ? La foi a certes reculé dans la France des XVIème au XVIIIème siècles, mais cela n’explique pas tout. Peut être le système de la commende, appliqué dès le XVIIème siècle, qui confère la responsabilité d’abbé à de jeunes gens titrés, mais sans conviction et sans rayonnement, a-t-il découragé les vocations sérieuses. Pour tenir la formidable promesse de la prière permanente, il faut un engagement de tous, que l’on retrouve dans le monachisme moderne, mais qui s’était perdu pendant plusieurs siècles.
La vie des moines au temps des grandes abbayes, ouvrage de dom Anselme DAVRIL et Eric PALAZZO, Hachette "La vie quotidienne", 344 pages, 18 €