Tabarnak! et la littérature française?

Publié le 11 février 2008 par Boothroyd

Je reproduis ici l'article de Pierre Assouline disponible sur son bloc-notes de La République des livres à propos d'un projet du Ministère de l'éducation québécois sur l'enseignement de la littérature dans le secondaire québécois (en gros notre collège).

Les autorités québécoises ont-elles sérieusement l'intention de bannir toute littérature française au profit exclusif de leur littérature nationale pour les programmes d'enseignement du secondaire? Déjà qu'elle a la portion congrus! Six mois de cours à peine pour faire passer une histoire qui court sur dix siècles alors que la littérature québécoise n'existe que depuis le milieu du XIXème siècle... On se frotte les yeux, et j'espère que l'on nous épargnera le procès éculé de chauvisnisme littéraire et de nationalisme culturel. Il ne s'agit vraiment pas de ça. Pourtant la polémique est bel et bien engagée. L'écrivain, professeur et critique Jacques Folch-Ribas a mis le feu aux poudres dans La Presse en révélant le contenu d'un récent sondage adressé par le ministère de l'Education aux enseignants. Un questionnaire en onze questions dont les deux dernières laissent perplexes:

No 10 “Désirez-vous que la littérature québécoise occupe une place plus grande, et dans quelle mesure?» et No 11 : “Une hypothèse émise l’an dernier par l’Association nationale des éditeurs de livres et l’Union nationale des écrivains québécois était d’exclure complètement la littérature française des cours de niveau collégial Qu’en pensez-vous?

Poser la question, c’est déjà y répondre tant la formulation est biaisée. Pour les détracteurs de ce sondage, il ressemble fort à un ballon d’essai et à un signe annonciateur de ce qui adviendra si le projet ne suscitait pas une levée de boucliers. Faut-il rappeler que la littérature française fut celle des ancêtres des québecois et qu’elle le demeure à ce jour par leur langue commune ? Couper lycéens et étudiants de ces racines là, c’est aussi les couper d’une partie de leur histoire.

Pour Serge-André Guay, de la Fondation littéraire Fleur de Lys, ce n’est qu’une affaire d’argent, l’affairisme du gouvernement québecois “toutes corporations confondues” consistant en l’occurrence à faire acheter aux étudiants des livres d’auteurs québecois.

Dans La Presse, Lysiane Gagnon ne dit pas autre chose :”On comprend que les éditeurs et les écrivains veuillent vendre leurs livres, mais que le Ministère se fasse complice de ce corporatisme primaire est un véritable scandale.” Jacques Folch-Ribas, qui hésite entre mourir de rire ou d’indignation, le rappelle utilement, encore que la nécessité de ce rappel soit déjà en soi accablante :

“Imaginons un instant que les éditeurs australiens interdisent aux petits et grands étudiants australiens l’étude de Shakespeare, Milton, et de l’immense foule des auteurs anglais au prétexte qu’ils ne sont pas des auteurs australiens. Il en va de même pour les éditeurs d’Afrique du Sud, de l’Inde, ou encore de tous les éditeurs latino-américains demandant à cor et à cri que l’on n’étudie pas dans les collèges Cervantes, Lope de Vega et toute la littérature de langue espagnole. Nous sommes morts de rire, voire d’indignation”

A suivre.