Les Inrockuptibles et Sc. Po. Rennes invitaient hier Françoise Morvan et André Markowicz à un débat intitulé "Y-a-t-il deux cultures bretonnes?" (voir ici). Je tiens au préalable à m'excuser auprès du premier intervenant Jean-Marc Huitorel car je suis arrivé à la fin de son exposé. Je n'en dirais donc rien. J'ai en revanche choisi d'aller écouter celle que j'ai connu à travers mes tribulations d'internautes, mais que je n'avais jamais vu auparavant bien qu'elle vive dans la même ville que moi.
S'il est un épouvantail dans le milieu breton, c'est bien Françoise Morvan. A vrai dire, personne n'aurait jamais entendu parler d'elle si les militants bretons n'avaient pas pris pour cible son livre "le monde comme si", véritable charge contre l'Emsav. Néanmoins, reconnaissons-lui qu'il est difficile dans ce milieu de braver les tabous. J'en sais quelque chose. Mais point de complaisance. Ce qui est grave, c'est que l'étude "scientifique" de Françoise Morvan est grotesque. Car elle mélange tout et tout le monde. La seule "insulte" que je me suis permis à son égard est donc: "paranoïaque". Car assurément, elle l'est. Pour le reste, j'ai été très poli.
Hier, son discours relevait plus de la rumeur que de l'exposé argumenté. En premier lieu, Mme Morvan a tenu à dire que si Gael Roblin n'avait pas pu venir, ce n'était pas de sa faute, que cette décision [du président de Sc. Po.] avait suscité des attaques sur sa personne. Que Gael Roblin avait tout à fait le droit de venir parler de la Bretagne, qu'il représentait une Bretagne. Pour ensuite affirmer qu'il avait participé à "6 attentats" et qu'il était un "terroriste". Ce manque de rigueur scientifique (car Gael n'a jamais été condamné pour ces faits) lui vaut déjà quelques étonnements dans la salle.
Puis, le discours débute sur la manipulation du milieu breton. En somme, le Conseil régional est infiltré par les autonomistes (quel horreur, mais c'est nous!), le Conseil Culturel est un ramassi de nationaliste allant de l'extrême-gauche à l'extrême-droite... tout ceci est possible grâce à l'influence de l'institut de Locarn, un lobby patronal breton. Un beau roman! Jusqu'à dire, comme le mentionne Fabien Lécuyer dans son papier, que "les gens qui sortent du Leclerc avec des sac Gwenn-ha-du ne savent pas qu'ils arborent une création de l'extrême-droite". Mais c'est son compagnon André Markowicz qui a été le plus virulent à mon sens. Pour lui, le Gwenn-ha-du est l'apothéose de la pensée nationaliste. Aller dire ça aux gamins de 15 ans qui voient dans le drapeau breton une image de marque, rien à voir avec la politique! Hélas...
Pour résumer, ce que je trouve navrant, c'est que Françoise Morvan se croit experte en politique bretonne parce qu'elle a passé des années dans les archives pour débusquer les collabo de 1940! Oui, sauf que les archives sont plein de rapports officiels, orientés eux aussi (les exemples de résistance sont nombreux malgré tout). Qu'il y ait eu des collabo, personne ne le nie. Tout ceci est bien expliqué par Christian Hamon (voir le livre "Bezen Perrot" préfacé par Loeiz ar Beg militant de l'UDB). Les résistants bretons, il y en a eu des pelletées aussi et c'est aussi bien expliqué par Jean-Jacques Monnier (voir le livre "Résistance et conscience bretonne" préfacé par Mona Ouzouf). Mais que nous ayons quelque chose à voir avec eux (collabo comme résistants), je ne comprends pas bien le lien. Je suis Gael Briand, je milite au XXIème siècle et qu'on en finisse avec cette satané guerre! Je n'ai pas à porter le traumatisme de mes grand-parents!
C'est d'ailleurs la question que je lui ai posé très calmement. "Je m'appelle Gael Briand, je suis rédacteur en chef d'un journal que vous connaissez bien, le Peuple breton. Je suis d'abord ravi de vous rencontrer... [André Markovicz me coupe: "ce n'est pas ce que vous disiez en 2007"] Je disais donc je suis ravi de vous rencontrer pour de vrai... et de voir que vous lisez ma prose. Je n'en retire pas une ligne (voir ici). Vous dites pour commencer que les bases du dialogue s'enclenchent mal. Quand vous dites de Gael Roblin qu'il est l'auteur de 6 attentats, vous commencez mal vous aussi. Mais je ne suis pas là pour défendre Gael, mais pour vous posez une simple question: j'ai 27 ans [Françoise Morvan me coupe: "et vous n'étiez pas nés en 1940"]. Exactement. Donc, en quoi suis-je ou en quoi les jeunes militants que je vois dans la salle peuvent-ils être qualifiés de nationalistes d'extrême-droite? Je vous invite, Mme Morvan, à revenir dans l'Emsav peaufiner votre étude car ce que vous énoncez, c'est le vernis."
Ce à quoi elle m'a répondu qu'elle ne disait pas que nous étions des militants d'extrême-droite, que les militants UDB étaient sincèrement de gauche, mais qu'à l'insu de leur gré, ils défendaient des idées d'extrême-droite à savoir l'identité. Elle m'a aussi appris que l'UDB parlait d'"ethnie bretonne". Première nouvelle! Que le Peuple breton avait donné la parole à je ne sais quel tortionnaire de la deuxième guerre mondiale sans donner la date ni la référence, qu'Emgann (qui compte aujourd'hui 3 adhérents depuis la création de Breizhistance) avait rendu hommage à Fouéré, qu'Emgann toujours était la vitrine légale de l'ARB... Quand je vous dis qu'être permissif à la violence, quelle qu'elle soit, laisse des traces!
Mais merde, l'honnêteté intellectuelle m'oblige à dire qu'il n'y a absolument rien de nazis dans les propos de Breizhistance et que quelqu'un trouve le moindre truc louche dans ce que j'ai publié depuis un peu plus d'un an maintenant dans le PB! Que quelqu'un trouve le moindre hommage à Fouéré! Je distingue l'histoire de la politique et même si Fouéré a compté dans le monde breton, je ne m'en revendique pas. Il ne représente rien pour moi et n'est pas responsable de mon engagement. Bref, les preuves, Françoise Morvan n'en a pas, elle se contente de faire des liens entre 3 clampins collabo en 1940 et 3 autres clampins aussi bêtes qu'ignorants aujourd'hui qui encensent ces types.
Rien en revanche sur la France et son drapeau. André Markowicz a raison sur un point cependant: quand nous voyons des nuées de drapeaux tricolores, ça nous [militants bretons] fait penser à l'extrême-droite (comme ci-contre). L'immense différence, c'est que si la culture bretonne n'était pas bafouée par l'Etat, les gens n'auraient pas besoin d'un drapeau pour s'identifier. Le drapeau, c'est une revanche. Personnellement, je n'ai pas besoin du Gwenn-ha-du pour me dire breton, je n'ai pas besoin d'un épouvantail pour faire front contre la bêtise, je n'ai pas besoin d'être anti-français pour me sentir breton... Tout ceci est ridicule. Quiconque construit son identité par rapport à une autre n'a pas de fondation solide. C'est parce qu'on est breton et que l'on se sent bien breton que l'on peut défendre cette identité. Ceux qui se disent anti-français sont ridicules. Car tout n'est pas bon dans le breton non plus!
Le mieux pour nous, c'est de laisser Françoise Morvan en paix. Et qu'elle nous laisse en paix en retour. Nous ne sommes pas une "menace". Nous sommes simplement breton. Et si elle voulait aller plus loin que le dogmatisme de son compagnon ("le drapeau français, c'est les droits de l'Homme", qui y croit encore?), Françoise Morvan se rendrait compte que, pour nous aussi, "la culture populaire, ce sont les chants recueillis par Luzel". Pour nous aussi, l'Opus Dei est une plaie. Pour nous aussi, l'extrême-droite sent mauvais. Pour nous aussi, le capitalisme est un système verrolé. Bref, je crois qu'on peut guérir de la paranoïa...
LES COMMENTAIRES (2)
posté le 15 novembre à 14:04
Bravo pour cette réponse! Je suis moi-même, après avoir lu des propos de F Morvan, complètement abasourdie par ses amalgames et par son acharnement à remettre le passé sur la table à chaque fois. Pour ma part je ne suis pas psychologue, mais je pense fortement aussi qu'elle a trouvé là un fond de commerce et que vu les actualités elle va pouvoir vendre encore. Pfff!!!
posté le 04 décembre à 08:42
Tout à fait , laissons la en paix et plus personne ne s'y intéressera. Et arrêtons de nous justifier en permanence. Bien amicalement.