L’indifférence

Publié le 29 février 2008 par Jcgbb

Qu’y a-t-il de pire ? La sollicitude dominatrice d’un ami malveillant, les pointes cruelles d’un homme méchant, ou le regard glacé d’un être indifférent ? On dit parfois qu’il n’y a pas plus mordant, plus humiliant, plus blessant que l’indifférence.

L’indifférent nous réduit à rien. Il toise et dédaigne, ignore notre existence, et rien n’est plus cuisant. Au moins, la méchanceté nous accorde-t-elle un intérêt en cherchant à nous blesser… Mais échappe-t-on à l’indifférence autrement que par elle-même ? N’y a-t-il pas un usage positif, actif même, à cette passion apparemment vide et négative ?

Il n’y a pas d’autre moyen : pour vivre en paix, il faut savoir s’immuniser, apprendre à se protéger, à neutraliser l’adversité. On ne vit plus quand on est tourmenté, quand on rumine sans relâche des offenses passées. Le présent s’écoule, mais on reste bloqué, torturé, aveuglé. On n’est plus disponible pour rien quand on ne sait pas se distancier. Même lointains les événements continuent à nous faire face, massifs, menaçants, offensifs.

Il y a donc une manière de ne pas savoir être indifférent qui nie le présent. Et à l’inverse, une façon d’être insensible qui permet d’être disponible à ce qui arrive. On est d’autant plus réceptif qu’on parvient à être moins affecté. Ce qui suppose un nouveau renversement : l’indifférence – ou ce que Nietzsche appelle la faculté d’oubli – n’est pas vide. Elle n’est pas absence, mais action. Elle n’est pas désinvolte, aveugle ou négligente, mais effort de liquidation, travail de réinterprétation – on donne un nouveau sens pour pouvoir oublier.

Il y a donc plusieurs formes d’indifférence, des espèces très différentes, parfois contraires : l’une occulte les choses et les êtres. L’autre les rend accessibles.