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A Toulon, Sarkozy a passé la charrue

Publié le 02 décembre 2011 par Variae

Passer la charrue. Creuser son sillon. Réaffirmer, marteler son identité. La continuité, l’enfoncement même, plutôt que la rupture. C’était tout le programme du long discours de Toulon, deuxième du nom, de Nicolas Sarkozy.

A Toulon, Sarkozy a passé la charrue

On dit parfois que la pédagogie, c’est la répétition. A ce compte-là, Nicolas Sarkozy a effectivement fait de la pédagogie, comme il l’avait annoncé avant ce qui tenait plus du meeting de campagne que d’un discours présidentiel. Présentant une sorte de best-of des fondamentaux du sarkozysme, avec en toile de fond un double message : ce monde est dangereux ; je suis le seul à pouvoir vous y guider sain et sauf, le seul à pouvoir « éclairer » le bon « chemin », comme dirait Jean-François Copé. « Je ne reviendrai jamais sur [mes] choix ». A la différence de mes adversaires.

Tous les fétiches du sarkozysme avaient donc répondu présent, et c’était même le sens de l’introduction du discours : de 2007 et 2008 à aujourd’hui, tout n’est que continuité et maîtrise, résultat de la volonté politique sarkozienne qui s’est inexorablement appliquée. « Je n’ai pas écouté ceux qui me conseillaient de ne rien dire ». Le chef Sarkozy a décidé, tranché. « En septembre 2008, ici, à Toulon, au cœur de la tourmente, j’ai tracé une perspective ». Tous les fétiches, les symboles peuvent alors être égrainés : le culte de la réforme (la crise appelle « à accélérer le rythme des réformes », « nous ne pouvons pas garder la même organisation de notre protection sociale que celle de l’après-guerre »). La valeur travail (il faut ramener « le balancier de l’économie vers le travail », « ceux qui travaillent et qui sont proportionnellement de moins en moins nombreux », « répondre à la crise par le travail, par l’effort », « les 35 ont été des fautes graves », « nous devons continuer d’encourager le travail et donc les heures supplémentaires ») – avec un « sur l’emploi on n’a pas tout essayé » en guise de coup de pied de l’âne à Mitterrand. La dénonciation des assistés (« une minorité qui voudrait profiter du système », « L’habitude qu’avait prise l’Etat d’être un guichet où l’on répondait oui »). L’immigration et l’identité nationale (« nous n’accepterons pas une immigration incontrôlée qui ruinerait notre protection sociale, perturberait notre façon de vivre, bousculerait nos valeurs »). Certes, Sarkozy est flou, il ne propose rien de vraiment précis (j’avais même pensé à intituler ce billet « Sarkozy dans le creux du vague »), mais ce n’est visiblement pas son souci du jour : il est venu faire de la politique, de l’idéologie, imposer une grille de lecture et des concepts.

Ceci est le marteau. Et puis il y a l’enclume, la toile de fond : la peur, la description d’un monde menaçant, plein de promesses si on accepte de suivre le capitaine Sarkozy, mais néanmoins menaçant et implacable. « Prenons le temps de regarder autour de nous dans quelle situation se trouvent les pays européens qui n’ont pas pris à temps la mesure de la crise ». « La tourmente ». « Une gigantesque machine à fabriquer de la dette ». « L’immense pyramide de dettes ». « Des catastrophes dont la France ne se remettrait pas ». « L’urgence » à laquelle il faut parer.

Face à tant de menaces, il n’y a tout simplement pas de choix. TINA. C’est une constante de ce discours, la négation de toute alternative, voire de la possibilité même de choisir : « La seule façon de conjurer cette peur c’est de dire la vérité ». « La vérité, c’est que ». « La réforme des retraites ne pouvait être plus être différée ». « Contester cette réalité, c’est mentir ». « Les crises nous indiquent la voie à suivre ». « Il y a une réalité que chacun doit comprendre, chacun doit accepter ». « L’Europe n’est plus un choix. Elle est une nécessité. ».

La résultante de cette équation politique est simple : s’il n’y a pas de choix, le débat n’a plus de sens, et le vote non plus, au bout du compte. Je parlais il y a quelques jours d’un président en fuite, sur ses responsabilités notamment : ici, c’est finalement l’élection même qui est esquivée.

Romain Pigenel


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