Je me détruis. Lentement. Je sais comment procéder. J’ai recours à une arme inattendue. Il faut savoir que je ne bois pas, je ne fume pas, je ne me drogue pas. Je suis une âme sainte dans un corps sain. Mais il est d’autres moyens de se détruire. Il est d’autres méthodes. Beaucoup plus subtiles. On peut les trouver, à la limite, élégantes. J’ai toujours eu le goût des choses raffinées. On ne peut me blâmer n’est-ce pas ? Je me détruis donc. A petit feu. Pour me préserver de la folie. Ou pour l’aguicher. Je ne sais trop. Pour oublier ou pour remémorer, je ne sais trop. Peu importe les raisons. Le soleil de la souffrance brille dans le bleu pâle de mon imaginaire. Je souffre et je me détruis. Je ne me lacère pas la peau avec un canif. Je n’aime pas le sang. Je ne me fracasse pas la tête contre le mur. J’aime trop les beaux murs de ma maison. Je ne bois pas de l’alcool. Je déteste l’ivresse animalière. Je ne regarde pas la télévision pendant des heures. Je déteste la télé réalité. Je ne joue ni aux courses, ni au loto. J’ai assez d’argent pour durer encore une trentaine d’années. Je ne suis un adepte d’aucun fanatisme, d’aucun excès. Sauf celui de l’amour. Ainsi aimer deux femmes simultanément. Ainsi demeurer à la lisière de ce gouffre. Je me shoote à l’amour. Je me détruis à force d’amour. J’entrouvre toutes les veines de l’être pour y injecter le poison de l’amour. Amour qui m’exalte. Amour qui me détruit. L’amour n’est désormais plus la quiétude de l’affection, la tendresse des mains mêlées. Il est ma drogue. Ma drogue nécessaire. L’amour comme un remède à l’amour. Pour me libérer de la litanie de la souffrance. Mais l’amour qui cisèle d’autres souffrances. L’amour, baume et drogue. Et je me shoote, en tous lieux, à tous instants. Quand je suis avec elle et quand je pense à l’autre. Quand je suis avec l’autre et que je pense à elle. Que le visage du remords me nargue. Quand j’ai envie d’en finir. Quand je perds la tête. Quand je fais des cauchemars. Quand j’entends des voix. Elles sont nombreuses les voix. Elles viennent de partout. Elles me disent des choses misérables. Je n’aime pas les voix. Quand je veux fuir aussi. Quand l’angoisse ceinture ma gorge. Quand je me terre dans ma chambre pendant des heures. Quand je ne cesse de pleurer. Quand je suis las de mentir. Quand des yeux naïfs n’arrivent pas a discerner mes exactions. Je me shoote à l’amour. C’est une onde qui vagabonde paresseusement dans mes veines avant d'atteindre mon crâne et de le perforer. Amour obsessionnel. Amour comme une grande force qui vient des tréfonds. Amour bouffi de lumière. Amour qui écarte les grands voiles de la nuit. Amour comme une aube clairsemée, imbue d’innocence. Je me shoote. Et je me sens bien. L’apaisement est temporaire. J’oublie. Je ne suis plus. Mais bientôt la souffrance reprend ses droits. L’amour qui pacifie est l’amour qui ameute. Je souffre de trop aimer. De t’aimer toi et l’autre. Je ne veux plus vous aimer. Ni l’une, ni l’autre. Il faut que cela cesse. Il faut en finir. Mais je vais me shooter. Une fois. Rien qu’une fois. Il le faut.
Umar Timol