[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 3/41

Par Florence Trocmé

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
3e épisode 
Résumé de l’épisode précédent : Les garçons entrent dans l’acuité du res-senti quand ils se rendent compte que la fille nue se tient à attendre avec une épaule plus haute que l’autre. L’un d’eux monte à l’arbre et se perche juste au-dessus d’elle. 
  
Peu le cou pour avoir une vue de son cul — et, non,  les fo
Ssettes au bas des reins  m’arrêtent je ne vais pas plus loin
Pas plus bas ; et je vois comme un trèfle ou comme quand
On fronce le nez, et ma vue se trifolie, même  (c’est encore
Autre chose que loucher),   devant ces deux creux si douce
Ment marqués et le ressaut lui tout juste esquissé,   du crêt   (110) 
Vertébral à cet endroit. Oh !  c’est comme si c’était un visa
Ge, cette partie du corps,   tant de pudeur et de délicatesse
Que l’on en oublie de mater les fesses. Oui ça nous regard
E, avec tant de candeur, de bonne nature,  que ça t’apitoie
Garçon,  jusqu’à quelquefois t’en tordre le foie.  Et si je dis
« Garçon »,  et de telle sorte interpelle mon prochain, c’est
Que tant de beauté,  quand on l’a sous les yeux on veut la
Partager,  tant d’émotion on ne peut pas garder cela pour
Soi tout seul,  c’est le plus riche joyau, ce qu’on peut en ce 
Monde obtenir une fois de plus précieux,  oui, la beauté, la   (120)  
Bonne nature, la vie vibrant d’être,  bien raide et délicat, il
Faut alors être le dernier des salauds   pour se mettre ça d’
Côté. Un poète ne peut pas faire ça ;  ou alors peut-être, à
Des moments de ressentiment   ou dans les tribulations ex
Trêmes, mais même, non, je ne crois pas.   J’ai eu, moi (on
Ne m’en voudra pas,  je pense,  de faire ici une petite conf
Idence personnelle  :  on va sentir qu’elle n’a rien d’oiseux)
J’ai eu, donc,   cette première expéri.ence du poème,  de la
Poésie,   qu’à l’école de Wailly-Beaucamp —  vers mes dix
Ans  —  un jour sans préambule d’aucune sorte,  le maître   (130) 
Nous lit Le Dormeur du val de Rimbaud. Je suis saisi, c’est
Un choc,  j’écoute ça en apnée, oui, je suis cueilli (dirai-je),
Cueilli par la poésie comme au nid,    et quelque chose me
Court et grouille tout le long du rachis.   Eh bien, garçons,
À peine la lecture finie,   ce que je fais tout de suite  ç’a été
De jeter les yeux sur vos visages,  même vos nuques,   elles
M’en  disaient assez,  pour voir si,   tous vous ressentiez la
Même chose que moi  (et c’était le cas)  et donc ce que oui
Je voulais dire :  c’est que,   pour moi  depuis le tout début
La poésie,   c’est le partage,  c’est quelque chose pour tous   (140) 
Et pas pour un...   J’ajoute, pendant que j’y suis, à Wailly-
Beaucamp,    que c’est justement dans le bois de ce village
Que se  déroulent  les scènes  que j’évoque présentement).
Bon. À califourchon sur ma branche,  je me penche assez
Près de choir ;  et tends le cou autrement parce que je me
Dis que c’est mal,  peut-être,  de regarder plus longtemps
Ces deux  doux creux  et le crêt entre deux (en tout cas ça
Fait mal),  et alors,  ce que je vois sans m’y être du tout at
tendu,  ce sont ses pieds,   les devants de pieds,  les orteils. 
Ils sont longs et maigres,  et différents  l’un de l’autre par   (150) 
La répartition  très aléatoire  des salissures  et éclaboussu
Res  qu’ont faites  la boue visqueuse  des feuilles pourries
Ou  le dépôt plus  délayé du fond des flaques et ornières,
Des fondrières  forestières.  Et m’est donné ainsi aussi de
Constater  que ces deux pieds (dont le caractère rustique
et...farouche ? ne retire rien, bien au contraire, à la beau

à suivre le lundi 5 décembre 2011