« Elle aurait préféré crever plutôt que nous demander quoi que ce soit, me suis-je dit, puis j'ai pensé que c'était exactement ce qu'elle avait fait, et j'ai beaucoup pleuré. »
Delphine de Vigan, comme tant d'auteurs avant elle, écrit sur sa mère. Les lecteurs sont divisés. Certains s'ennuient. D'autres en oublieraient presque de respirer. Je fais partie de la seconde catégorie.
L'exercice est exigeant ainsi que ravageur et l'auteure s'y est attelée avec une honnêteté et une sincérité transperçantes. Comprendre son histoire pour pouvoir casser les schémas familiaux qui se transmettent de génération en génération.
Écrire pour exorciser les non dits, la souffrance. Celle, opaque, qui recouvre tout. La tragédie menaçante, le spectre de la mort qui rôde. Tout le temps. Partout. Les cadavres les plus dangereux ne sont pas sous terre mais bel et bien dans le placard.
La pire violence est de ne pas sanctionner et de laisser place à l'indifférence. Et ce livre dans le livre. Cette position méta qui permet au lecteur de suivre le cheminement de l'auteur. Rien ne s'oppose à la nuit, titre sublime, merci Bashung, est entièrement légitime Salutaire et d'une grande force. Il me hantera longtemps.
JC Lattès, 440 pages, 2011
Prix Renaudot
Extrait
« ... avais-je besoin d'écrire ça ? Ce à quoi, sans hésitation, j'ai répondu que non. J'avais besoin d'écrire et ne pouvais rien écrire d'autre, rien d'autre que ça. La nuance était de taille ! »
« Je ne sais plus quand est venue l’idée d’écrire sur ma mère, autour d’elle, ou à partir d’elle, je sais combien j’ai refusé cette idée, je l’ai tenue à distance, le plus longtemps possible, dressant la liste des innombrables auteurs qui avaient écrit sur la leur, des plus anciens au plus récents, histoire de me prouver combien le terrain était miné et le sujet galvaudé, j’ai chassé les phrases qui me venaient au petit matin ou au détour d’un souvenir, autant de débuts de romans sous toutes les formes possibles dont je ne voulais pas entendre le premier mot, j’ai établi la liste des obstacles qui ne manqueraient pas de se présenter à moi et des risques non mesurables que j’encourais à entreprendre un tel chantier. »