C’est assez rare pour être
souligné, il y a un sujet sur lequel tous les socialistes sont d’accord…si, si…
l’idée en question c’est qu’il n’est pas question de céder au
diktat de l’Allemagne et de sa « politique à la Bismarck ». Pas
question de remettre en cause un pouce de la souveraineté de la France et ceux
qui y songeraient …suivez mon regard…..ne seraient que des munichois (c’est pas
dit comme ça mais c’est l’esprit)!
Même
François Hollande a rejoint les Hamon, Montebourg et autres Désir, en
affirmant avec des accents quasi gaulliens : « Je n'accepterai
jamais qu'au nom du contrôle des budgets nationaux, au nom de la coordination
des politiques budgétaires, la Cour de justice européenne puisse être juge des
dépenses et des recettes d'un Etat souverain ».
Outre la démagogie qui transpire à grosses gouttes de ce type de propos, il
me semble que cela montre que les socialistes ont loupé quelque chose dans la
compréhension de la crise à laquelle nous sommes confrontés.
Patrick Artus dans une note parue en Septembre synthétise très bien la
situation, je le cite donc :
« Il faut partir d’un point très important : le besoin de
financement d’un certain nombre de pays de la zone euro (Grèce, Portugal,
Espagne, Italie, France) n’est dû que partiellement à de mauvaises
politiques ; une grande partie de ce besoin de financement est structurel,
et est lié à la spécialisation productive de ces pays. Il s’agit d’un besoin de
financement extérieur du pays ; dans le passé, il était assuré par
l’endettement du secteur privé, aujourd’hui par l’endettement du secteur
public.
Mais, il ne peut pas disparaître : ces pays auront toujours besoin de
l’épargne des autres pays de la zone euro. »
« La seule solution est alors le fédéralisme : soit transferts
de revenus entre les pays qui compensent les déficits extérieurs, soit plus
probablement Eurobonds » « Le financement par l’EFSF et la
BCE, le FMI doivent donc être considérés comme des transitions vers le
fédéralisme, et non vers le retour à la situation antérieure où les prêteurs
privés finançaient l’endettement croissant des pays déficitaires.
»
« S’il y a fédéralisme (par exemple financement par Eurobonds), il
y a nécessairement supervision et discipline budgétaire pour
les pays de la zone Euro. On ne peut pas imaginer qu’un pays ait un déficit
public énorme (comme la Grèce) et le fasse financer par des émissions
d’Eurobonds. Il faut empêcher ces comportements de passager
clandestin. »
Si je résume la synthèse d’Artus en 4 points :
- Les besoins de financement de plusieurs pays d’Europe, dont la France, sont
structurels
- A des besoins structurels il faut apporter une réponse pérenne qui, quelle
que soit la forme qu’elle prendra, passera par une forme de solidarité
européenne : le fédéralisme.
- Cette solidarité, elle ne pourra fonctionner durablement que si et
seulement si, elle s’accompagne d’une discipline budgétaire de la part des pays
de la zone euro. L’expérience montre que cette discipline budgétaire devra
nécessairement pouvoir être surveillée, contrôlée voire imposée.
Tout l’enjeu des discussions franco-allemandes, n’est donc pas de savoir
s’il y devra y avoir ou non perte de souveraineté en échange des mécanismes de
solidarité, mais qu’elles en seront les modalités.
Comment s’opérera la nécessaire supervision européenne sur les budgets
nationaux et surtout, quels moyens seront mis en œuvre pour
« imposer » ou mieux encore inciter à la discipline
budgétaire.
Les socialistes en demandant de la solidarité européenne sans réelle
contrepartie, exigent le beurre et l’argent du beurre. Ils n’ont pas compris
que la France se trouve du mauvais coté de la ligne Maginot, du coté de ceux
dont les commerce extérieur est de plus en plus déficitaire et dont les budgets
publics sont en permanence déséquilibrés. En bref, du coté de ceux qui ont des
besoins de financement structurels !
Pour jouer les matamores nationalistes encore faut-il en avoir les moyens et
ces moyens, la France ne les a pas !
Pire encore, ils donnent l’impression de considérer comme normal que les
allemands fassent un effort de solidarité important sans aucune garantie que ça
ne sera pas à fonds perdus, un petit peu comme si on acceptait de distribuer
des aides à des chômeurs sans exiger de leur part une recherche active
d’emploi…..ah ben tiens, il faut bien admettre qu’ils ont le mérite de la
cohérence !
Pour autant, il ne faut pas accepter n'importe quoi et il faut évidemment
tenir compte de l’hétérogénéité de la zone euro, on ne peut pas imposer à tous
le pays de s’aligner sur le modèle allemand. Tous derrière le casque à pointe,
ça ne marchera pas.
Ce que Sarkozy doit négocier avec Merkel, c’est la forme du fédéralisme qui
sera mis en place ainsi que la méthode à utiliser pour imposer la nécessaire
discipline collective induite.
En clair, à quel niveau met-on la barre et quelle sera la nature des
sanctions en cas de laisser aller d’un pays ?
Le fédéralisme, tel que le souhaite Angela Merkel suppose, en préalable, le
vote et le respect de la règle d’or et surtout l’amélioration de la
compétitivité qui pourrait passer par la baisse du cout du travail.
Si on considère qu’il n’est pas réaliste que tous les pays de la zone euro
fassent disparaitre leurs déficits extérieurs structurels (la France le creuse
tous les ans), il faut aller vers un véritable fédéralisme avec des mécanismes
permanents de transferts de revenus des pays à excédents vers ceux qui sont
structurellement emprunteurs (un petit peu à l’image du mécanisme de
péréquation qui existe entre les länder allemands).
Quand aux sanctions, à partir du moment où on ne peut pas virer un pays de
l’euro, que les sanctions financières risquent plutôt d’aggraver la situation
que de l’améliorer et que les sanctions politiques du type suspension des
droits de vote ne pourront être acceptées par les populations, il faut trouver
les bonnes incitations pour que les pays s’astreignent eux même à être
vertueux.
Le véritable débat il est là. Pousser des cris d’orfraies parce qu’on porte
atteinte à notre sacro sainte souveraineté est un combat d’arrière garde car
quelle que soit l’option choisie, la souveraineté en aura nécessairement pris
un coup dans l’aile et il est bien trop tard pour pleurer dessus.