Phoenix, adulé à l’étranger, oublié en france

Publié le 01 décembre 2011 par Acrossthedays @AcrossTheDays

Phoenix a eu droit a un passage éclair a la télévision française. Jeudi 13 octobre, il est 22h10 lorsque la chaîne franco-allemande Arte diffuse le documentaire d’Antoine Wagner, « From A Mess To The Masses », qui a suivi le groupe versaillais alors en tournée mondiale. Onze ans après la sortie de leur premier album « United », la France voit subitement sur ses écrans un groupe français qu’elle connaît très peu, faute d’avoir voulu l’écouter.

Phoenix remplit les stades et accumule les prix a l’étranger, notamment pour son album « Wolfgang Amadeus Phoenix », mais le groupe reste sous-estimé dans l’Hexagone. Quelques nominations, mais aucune récompense aux Victoires de la Musique.

En douze ans de carrière pour quatre albums, Phoenix produit de la pop. Mais depuis 1998 et leur single « If I Ever Feel Better », l’industrie musicale française et son pendant, la critique, ne savent pas sur quel pied danser avec le quatuor. Pourquoi ?

Tout d’abord parce qu’il n’est pas de bon ton d’allier arrangements pop/rock et chant en Anglais. Il y a un peu plus de dix ans, avant la sortie de leur premier album, le label de Phoenix, Source, avait tenté de les convaincre d’utiliser la langue de Molière. Un « non » plus tard, et c’est l’album « United » qui sort, défiant les groupes anglo-saxons sur leur terrain de prédilection musicale.

« Des gosses de riches »

A la sortie de « United », l’Angleterre et les États-Unis applaudissent. La France, elle, fait mine de ne pas entendre : « musique californienne » selon certains, « pop d’ameublement » d’après le quotidien Libération, ou encore « gosses de riches » selon d’autres. Une histoire qui commence mal et les ventes d’albums s’en ressentent dans l’Hexagone.

Pourtant, la French Touch est déjà présente et les succès de l’électro à la française, Daft Punk en tête, auraient pu laisser penser que Phoenix serait bien accueilli. Pour Cécile Communal du Bureau Export de Londres, la première raison liée à l’impopularité de Phoenix dans l’Hexagone est purement… esthétique :

« Phoenix a pas mal souffert au début de son image “Versailles”. Le groupe avait un côté un peu “hypster”, ce qui a fait que les gens se sont arrêtés aux descriptions et aux images et ne sont pas allés écouter la musique. »

Et de poursuivre que, ce facteur « Versailles », n’a pas eu de réelles conséquences à l’étranger :

« Ce background Versailles, il est beaucoup moins marqué à l’étranger car les Anglais ne voient pas le côté un peu fils-à-papa qu’ils avaient en France. Et c’est pour ça que ça a marché en Angleterre et aux États-Unis parce que les gens ont avant tout écouté les morceaux qui sont des petits tueries pop. »

Avec « Alphabetical », le deuxième album, le groupe sort un temps du son pop-rock pour ramener du hip-hop, du folk et du funk. La critique française goûte modérément le mélange des genres tandis qu’elle apprécie le retour aux sources de « It’s Never Been Like That », troisième essai des versaillais. Bien que la galette rencontre des critiques positives, le succès n’est pas au rendez-vous dans les bacs.

Selon certains professionnels de la musique, le groupe français pâtit d’avoir été trop bien compris par l’industrie musicale anglo-saxonne, lui donnant une étiquette « Pitchfork », du nom du site du magazine musical américain basé à Chicago. Et c’est justement vers là que le groupe décide alors de se tourner.

Wolfgang Amadeus Phoenix et le succès

En 2009, le groupe confirme sa popularité de l’autre côté de l’Atlantique. Avec un an et demi ans de travail et un Philippe Zdar (membre de Cassius) aux manettes de la production, et c’est le quatrième album de Phoenix, « Wolfgang Amadeus Phoenix », qui sort.

Au mois de février 2009, « 1901 » devient la chanson la plus téléchargée du moment de la blogosphère. Le buzz peut alors commencer et c’est dans ce cadre là que le documentaire d’Antoine Wagner trouve ses racines. On y suit le groupe pour essayer de comprendre la composition de l’album et ce qui a amené Phoenix à si bien percer le marcher américain jusqu’à recevoir un Grammy Award pour le meilleur album alternatif de l’année.

Et c’est ici le plus intéressant du documentaire d’Antoine Wagner : il n’est jamais question de la France, seulement lorsque les images d’un concert de Paris sont diffusées parmi tant d’autres. L’Hexagone est à mettre dans le panier des pays connaissant une promotion modeste similaire à l’Espagne, l’Italie ou encore l’Allemagne. Pas au niveau de l’Angleterre ou des États-Unis.

Les protagonistes principaux, excepté le groupe et Philippe Zdar, sont Anglais ou Américains (Daniel Glass, PDG de Glassnote Records, le label américain de Phoenix). Et même Les questions et réponses, ce qui peut être choquant pour un documentaire réalisé par un français sur un groupe français, se font dans la langue de Shakespeare.

Et tandis que le groupe ne fait aucune télé française pour la sortie de son quatrième album, le quatuor de Versailles enchaîne les live sur les chaînes américaines :

  • Live on Letterman le 4 avril 2009 sur CBS
  • L’émission de Jimmy Kimmel le 20 septembre 2010 sur ABC
  • The Tonight Show le 15 septembre 2009 sur NBC
  • The Late Late Show with Craig Ferguson le 10 octobre 2009 sur CBS

Un groupe qui plait aux américains, mais pas seulement

Pour la première fois dans l’histoire du Saturday Night Live, un groupe invité est français. Résultat outre-Atlantique, le groupe vend 500.000 albums (sur deux millions dans le monde) et multiplie en Angleterre des concerts à guichets fermés dans des salles de 3000 à 5000 personnes.

Pour Ben Ling du Bureau Export de Berlin, « Wolfgang Amadeus Phoenix » était en phase avec le public américain :

« Un des facteurs intéressants est que “Wolfgang Amadeus Phoenix” a eu le culot d’entreprendre un album en relation direct avec la cinématique des années 80, en accord avec la représentation de John Hugues de l’adolescence. Et une vidéo, faite par un internaute, représente très bien ces aspirations. »

Selon le journaliste américain Ryan Dombal interrogé par Le Monde, et qui avait donné 8,5/10 au dernier album des français, Phoenix est un groupe « cool“  :

‘Ils écrivent des chansons accrocheuses, à la fois vivantes et intelligentes. Indéniablement, le fait d’être Français les entoure d’une aura cool’, mais leurs morceaux sonneraient aussi bien s’ils venaient du Kansas.”

Mais au delà des influences, le groupe Phoenix n’a pas su seulement ingurgiter les influences des groupes et artistes américains qu’il adulait. D’après Cécile Communal, Responsable de projet au Bureau Export de Londres, Phoenix est un groupe français qui a compris le marché américain :

“Leur succès à l’étranger s’explique aussi par le fait que le groupe a compris comment travailler à l’étranger, qu’il fallait tourner à de nombreuses reprises et faire le circuit des petites salles anglaises, ne pas faire une date ici ou là. Il faut avant tout avoir une vraie stratégie à l’export avec des sorties qui accompagnent les dates de tournées tout en utilisant intelligemment les aides du bureau export.”

Elle rajoute, comme une pique à de nombreux groupes qui attendent trop le succès en France :

“Ils n’ont pas fait l’erreur que font pas mal de groupes d’attendre que ça marche en France pour eux, pour ensuite s’intéresser à l’étranger. Ça a fait partie de leur stratégie globale.

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