Après Welcome, Philippe Lioret livre un nouveau film engagé sur un grand thème d’actualité. Le propos, irréprochable, sert de prétexte à une rencontre bien artificielle entre un juge résigné et une jeune femme au seuil de la mort. Le film explore alors les drames intimes de ses personnages de façon assez invraisemblable.
Synopsis : Claire, Jeune juge atteinte d’un cancer, rencontre Stéphane, juge chevronné et désenchanté, qu’elle entraîne dans son combat contre le surendettement.
Les personnages du réalisateur sont tous petits et ils luttent avec leurs petits moyens contre les injustices du monde tel qu’il est. Et aussi pour des absolus qui vont bien au-delà : c’était l’amour dans Welcome, ici c’est la vie, tout simplement.
Toutes nos envies traite donc parallèlement de deux histoires qui se répondent l’une à l’autre. D’un côté, une jeune maman est atteinte d’un cancer dont elle ne peut pas espérer guérir. De l’autre, elle donne ses dernières forces pour sauver une autre jeune femme assommée par des crédits qu’elle n’est pas en mesure de rembourser. Comme Simon dans Welcome, Claire suit un chemin qui va du particulier au général. C’est en rencontrant Céline qu’elle prend conscience de l’injustice, et c’est pour elle qu’elle décide de se battre contre les établissements bancaires et leurs petites combines pour prêter de l’argent à tout prix à des personnes dans le besoin qui vont s’endetter d’autant plus et être emportées dans la spirale du remboursement impossible.
Philippe Lioret choisit des sujets énormes : c’était l’immigration dans Welcome, ici c’est tout le système économique qui repose sur la consommation et en fait la priorité absolue devant tout autre impératif moral. Le crédit, c’est la consommation, et tant pis s’il y a des morts au bord de la route, tant que la croissance est au rendez-vous. La plus grande qualité de Toutes nos envies, c’est d’expliquer ces mécanismes de manière assez pédagogique pour les rendre accessibles et de les intégrer au récit de manière assez fluide pour que jamais ces enjeux-là n’ennuient le spectateur. Bloqués dans un ordre économique européen et mondial tout-puissant dans lequel la politique n’est relayée qu’au second plan, Claire et Stéphane sont obligés de se battre à l’intérieur même du système, avec ses propres outils et sa propre logique. Le film démontre subtilement que l’individu est absolument négligeable par rapport aux grandes structures, notamment financières. Alors, défendre une personne devient impossible, on ne peut défendre que le dogme établi. Un cours de réalisme politique qui, malgré l’enthousiasme des combattants, est le signe, in fine, de la résignation. Toutes nos envies laisse un goût amer dans la bouche car rien ne peut fondamentalement être changé. Tout au plus peut-on se battre avec les règles imposées.
Ce combat est d’autant plus important pour Claire qu’elle va mourir. Donner un sens à sa vie, avoir accompli quelque chose, avoir marqué de son empreinte le monde et l’avoir peut-être rendu plus juste, même si sa participation est infime. Toutes nos envies, ce sont celles des pauvres gens qui contractent des crédits avec l’illusion qu’ils pourront en profiter. Mais ce sont aussi celles d’une femme qui n’aura pas le temps de les satisfaire avant de mourir. La situation de Claire devrait donc décupler les enjeux et c’est pourtant là que le bat blesse. Maladroitement mise en valeur, cette partie de l’histoire devient un prétexte égoïste à la lutte, d’autant plus que Claire semble vouloir continuer à vivre en Céline et semble parfois la défendre dans l’intérêt de sa famille plutôt que par simple générosité. Cette famille qu’elle semble étrangement construire de son vivant pour pallier son absence quand elle sera partie a quelque chose de très artificiel, d’autant plus que les autres personnages acceptent tous sans broncher cette situation peu crédible. Pour les besoins de la démonstration, le film manque souvent de cohérence, jusqu’à rendre les personnages factices et superficiels. Par exemple, Claire et Christophe n’ont aucun ami avant le film, et leur famille se réduit à une mère qui fait écho, par son comportement, à la situation de Céline, et qui devrait ainsi justifier l’engagement de Claire contre l’injustice et sa subite compassion pour Céline. On n’y croit pas du tout.
A force de tout miser sur la sobriété, Philippe Lioret fait du pathos en creux. La maîtrise exagérée de l’émotion, associée aux énormes artifices du scénarios, font plonger le film dans le sentimentalisme qu’il veut (et croit) tant éviter. Depuis Je vais bien, ne t’en fais pas, la petite musique du réalisateur est maintenant bien connue : des sujets forts, des drames personnels, une fin tragique (toujours la même finalement), et tout ça l’air de rien, comme si les larmes venaient à sa caméra sans qu’il n’y soit pour rien. A tous les coups, ça marche. A tous les coups, c’est moins subtil qu’il n’y parait.
Ici, la vie de Claire est vide, ses derniers mois sont bien gauchement décrits. Mais Toutes nos envies reste pourtant une fiction intelligente sur les fondements de la crise économique et sur les vraies victimes de ce carnage en fin de compte politique : les gens sans le sou, qui pour en avoir plus, finissent par en avoir encore moins.
Note : 5/10
Toutes nos envies
Un film de Philippe Lioret avec Vincent Lindon, Marie Gillain, Amandine Dewasmes et Yannick Renier
Drame – France – 2h00 – Sorti le 9 novembre 2011