Marcantonio Franceschini (Bologne, 1648-1729),
La naissance d’Adonis, 1692-1709.
Huile sur toile, 481 x 254 cm, Vienne, Liechtenstein Museum.
Alors que tout le monde prophétise la mort du disque et que l’on croise même quelques quidams assez imprudents pour s’en réjouir bruyamment, il se trouve heureusement des gens assez courageux pour se lancer dans l’aventure un peu folle que constitue la création d’un nouveau label. Réputée pour ses prises de son ciselées, Alessandra Galleron nous propose aujourd’hui les deux premières parutions du sien, baptisé agOgique, un récital Bach sous les doigts de la claveciniste Violaine Cochard, dont je vous parlerai sous peu, et La Nascita del Violoncello, un enregistrement superbement présenté de l’ensemble Les Basses Réunies, dirigé par Bruno Cocset, qui nous entraîne aujourd'hui à la découverte des premières heures du répertoire pour violoncelle.
Si son nom est attesté en Italie dès les années 1640, il faut, en revanche, attendre la décennie 1660 pour voir l’instrument,
en grande partie grâce aux progrès apportés par les facteurs bolonais, qui, en ajoutant un filetage sur les cordes graves, permettent de réduire sa taille sans nuire à ses qualités, commencer à
s’émanciper de son rôle de soutien pour gagner lentement ses galons de soliste. Il était donc tout naturel que les premières œuvres dédiées spécifiquement au violoncelle naquissent à Bologne où
un célèbre virtuose de cet instrument, auquel le programme de ce disque est largement consacré, exerçait, depuis 1680, son art au sein de l’orchestre de la basilique San Petronio, Domenico
Gabrielli (1659-1690). Cet élève de Giovanni Legrenzi et de Giovanni Battista Vitali (1632-1692), lui-même chanteur et violoncelliste à San Petronio dès 1658 après avoir été formé auprès de
Maurizio Cazzati, était un compositeur aux talents variés puisque l’on conserve de lui nombre de cantates, d’oratorios et d’opéras, et, bien sûr, un recueil de Ricercari per il violoncello
solo con un canone a due violoncelli e alcuni sonate per violoncello e basso continuo publié en 1689, que l’on peut considérer comme l’acte de naissance de la littérature pour l’instrument
soliste, les Ricercare opus I de Giovanni Battista Degli Antoni (1660-après 1696), de deux ans antérieurs, étant peut-être destinés à être joués en duo avec un violon.
Il semble que de bonnes fées se sont penchées sur cette Nascita del Violoncello qui conjugue toutes les qualités que
l’amateur exigeant est en droit d’attendre d’un tel projet. La présentation est particulièrement soignée, un élégant coffret noir renfermant, outre le disque, un livret de 136 pages en
couleurs, la prise de son est, comme on pouvait s’y attendre, une merveille de sensualité et de précision qui ne laisse rien ignorer du grain des instruments, tandis que Les Basses Réunies font
montre d’un enthousiasme et d’une sensibilité qui happent l’attention de l’auditeur dès les premières secondes puis la retiennent durablement. Maître d’œuvre de cette réalisation, Bruno Cocset
(photographie ci-dessous) a choisi, comme il l’avait fait à l’occasion de son intégrale de haute volée mais malheureusement trop peu connue des Suites pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach (Alpha, 2002), de
varier les instruments en fonction des pièces, afin d’obtenir une palette de couleurs conforme à la réalité de ce que pouvait proposer la lutherie du XVIIe siècle, laquelle ignorait la standardisation ; ce sont donc sept instruments signés par Charles Riché, magnifique luthier avec lequel le musicien
a tissé une véritable complicité, que vous entendrez tout au long de cette anthologie.
Les Basses Réunies :
Emmanuel Jacques, violoncelle & ténor de violon, Mathurin Matharel, violoncelle, Richard Myron, contrebasse, Bertrand
Cuiller, clavecin & orgue
Bruno Cocset, violoncelles, basse de violon, ténors de violon, alto a la bastarda & direction
1 CD [durée totale : 74’] et un livret de 136 pages agOgique AGO001. Incontournable Passée des arts. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Giuseppe Jacchini, Sonate en ut :
[I] Grave – presto e spirituoso
Violoncelle, contrebasse, orgue
2. Domenico Gabrielli, Ricercare VI en sol
Ténor de violon a la bastarda
3. Giovanni Battista Degli Antoni, Ricercara ottava
Ténor de violon a la bastarda, orgue
4. Giovanni Battista Vitali, Passagallia en ré
Violoncelle, contrebasse, orgue
Illustration complémentaire :
La photographie de Bruno Cocset, utilisée avec autorisation, appartient au label agOgique.