Il l'a préparé, ce discours. Henri Guaino y planche depuis lundi. Il paraît que ce sera l'un des discours marquants du
quinquennat. Comme en 2008. A l'époque, Nicolas Sarkozy était venu au Zénith de Toulon le 25 septembre. 10 longs jours après la disparition de la banque Lehman Brothers et le premier crash
boursier. Trois ans plus tard, il y retourne. La démarche est curieuse. Pourquoi donc ce remake de l'un des plus détestables souvenirs de la mandature Sarkozy ?
Le discours de Toulon du 25 septembre 2008 fut emblématique de la présidence Sarkozy à plus d'un titre: une diversion, une
rupture et un échec.
Une diversion
Rendons grâce à Nicolas Sarkozy sur un point au moins: le discours de Toulon avait d'abord permis de masquer 10 longs jours d'immobilisme pendant lesquels Nicolas
Sarkozy était resté sans voix face à un effondrement financier et boursier qu'il ne comprenait pas. Longtemps, les communicants de Nicolas Sarkozy se sont fichus de nous, en réécrivant l'histoire
d'un Monarque français à la pointe de la riposte contre la Grande Tourmente, dès les premiers instants. C'était faux. Nicolas Sarkozy n'avait rien compris.
Quelques mois auparavant, alors que la crise des « subprimes » frappait déjà les Etats-Unis de plein fouet, Nicolas Sarkozy, candidat puis président, s'échinait à vanter le tout-crédit. Quand les premiers établissements américains font faillite durant l'été 2007, la Sarkofrance ne réagit pas. Christine Lagarde nous promet
toujours un grande croissance. Six mois plus tard, dès avril 2008, l'emploi intérimaire s'effondre. Les CDD échus viennent grossir les rangs des chômeurs. La défiscalisation des heures sup' avait
accéléré la dégradation de l'emploi.
Ce jour-là, le 25 septembre 2008, Nicolas Sarkozy avait donc réservé le zénith comme pour un vieux concert de Johnny
Halliday. Il lisait le texte de son discours avec attention, le teint quasi-blafard, les épaules tressautant trop régulièrement.
En septembre 2008, quelques jours après la disparition de Lehman Brothers (le 15), c'est Gordon Brown, le premier ministre
britannique du moment, qui fit comprendre à ses collègues européens, et Sarkozy le premier, combien l'économie risquait en fait d'un gigantesque credit crunch, un resserrement généralisé du
crédit aux entreprises. Les banques ne se faisaient plus confiance les unes aux autres.
Une rupture
Le discours de Toulon fut aussi une rupture. Il symbolisa même la « rupture dans la rupture », le
coup d'arrêt à nombre de réformes iniques. Sarkozy avait déjà beaucoup fait, notamment en matière économique et fiscal avec son « paquet TEPA » : défiscalisation partielle des heures
supplémentaires et des intérêts d'emprunts, suppression des droits de succession pour les plus riches, renforcement du bouclier fiscal pour les grandes fortunes, etc. Mais sa feuille de route
était encore longue.
A Toulon, Sarkozy dut endosser un
costume imprévu: celui du régulateur et du protecteur. Il se transforma en « Sarko le Gaucho ». Il voulait sanctionner « les responsables de ce naufrage », « au moins
financièrement ». Mieux, « le marché tout puissant, c'est fini ». Mais attention, « Renouer avec le collectivisme (...) serait une erreur historique ». La France
aurait-elle un jour connu le « collectivisme » ? Finalement, les méchants traders ne subirent qu'une modeste et indolore taxe. Et trois ans plus tard, ils pouvaient tous nous narguer et
nous menacer. Nicolas Sarkozy ne jugeait plus que par le Triple A de trois agences de notation. La réalité fut cruelle pour le petit Monarque.
Le Monarque nous livra une histoire, sa vision des causes de nos tourments du moment: quelques traders et banquiers
auraient abusé du système capitaliste. Il fallait rétablir la confiance dans le système, et, croyez donc le candidat Nicolas: « On ne rétablira pas la confiance en mentant ». Sans
rire ? Trois ans plus tard, les marchés n'ont plus confiance. Sarkozy aurait-il menti ?
Un échec
Mais surtout, ce premier discours de Toulon n'a débouché sur rien. Avec le recul, le décalage entre cette nouvelle salve de
promesses péremptoires et la réalité des résultats obtenus est terrible. Le bilan est loin d'être fameux.
Certes, Sarkozy promit que l'Etat se porterait garant de l'épargne des particuliers. Et la garantie fut effectivement portée
à 100.000 euros par compte. Sarkozy suivait tous ses collègues européens qui avaient déjà annoncé de similaires garanties, allant même, parfois, jusqu'à nationaliser leurs banques
défaillantes.
Mais en réalité, le discours de Toulon fut très pauvre en annonces ou vision.
1. Le Monarque promit d'encadrer les parachutes dorés, pas de les interdire. Il promit également de réguler le mode de
rémunération des dirigeants des banques. Rien de plus. Plus tard, son soutien aux banques sans
contre-parties autre que des agios le privèrent de tout levier. Il fallut attendre janvier 2010 pour que Christine Lagarde nous promette une taxe sur les bonus bancaires, finalement bien modeste (moins
de 400 millions d'euros) et temporaire.
2. A l'international, Sarkozy oeuvra pour que les paradis fiscaux... changent de nom. En France, 18 mois après le discours de
Toulon, la Cour des Comptes s'inquiète que les banques françaises ainsi aidées n'aient finalement pas davantage prêté aux entreprises.
3. Il proposa de généraliser les stock-options au plus grand nombre de salariés, alors que les Bourses s'effondraient. Cette
mesure ne fut jamais appliquée.
4. Il répéta surtout qu'il ne changerait
pas de politique, pas d'austérité évidemment. Sarkozy pressentait-il que la dizaine de milliards d'euros annuels qu'il venait de cramer en inutiles cadeaux devait être remise en cause ? Il
mentit. Nous eûmes droit à des micro-plans de rigueur à répétition, le plus souvent à sens unique.
5. Sarkozy se limita à quelques rappels bien étroits: « Je n'accepterai pas des hausses des impôts et des taxes qui
réduiraient le pouvoir d'achat des Français. Mon objectif est de rendre du pouvoir d'achat aux Français, non de leur en prendre ». Trois ans plus tard, on sourit. Sarkozy a créé une quarantaine de nouvelles taxes. Rien que
ça.
6. Autre et maigre annonce de l'époque, la réduction du nombre de fonctionnaires se poursuivra. Pour le coup, il a tenu cette
promesse. Nicolas Sarkozy avait simplement oublié de nous préciser que l'économie budgétaire serait
quasi-nulle...
Toulon est une terre de
promesses... non tenues.
Les vraies raisons
Si Sarkozy vient à Toulon, ce jeudi, discourir sur l'Europe et la crise, c'est pour s'afficher président au travail, comme il
y a trois ans. Depuis quelques jours, une sale musique le dérange dans les médias: Sarkozy se planque, se cache mais se montre. Il n'est pas candidat, mais il fait campagne. Il ne se dévoile pas,
de peur de prendre des coups et de justifier son bilan. C'est un candidat en fuite.
Il était déjà revenu depuis à Toulon. Mais ce premier jeudi de décembre 2011, il fallait nous faire croire que l'intervention serait « historique » ou «
marquante ». Le Figaro s'y est attelé dès mardi: « Ce
jeudi, Nicolas Sarkozy prononcera à Toulon un deuxième discours sur la crise et l'Europe, trois ans après le discours de Toulon, devenu depuis l'une des références du quinquennat
».
La crise s'est aggravée. Le Monarque veut nous faire croire qu'il reste ce président protecteur dans la tourmente, équilibré dans l'action. Il fallait l'écouter, dès mardi, devant quelques agriculteurs silencieux. Son
immodestie l'aveuglait encore.
Il n'est plus qu'une marionnette allemande. Pour ce nouveau discours à Toulon, il
espérait convaincre Angela Merkel d'une énième nouvel accord franco-allemande. Les Bourses s'en fichent. Elles étaient euphoriques pour quelque heures depuis qu'un consortium de banques centrales
occidentales s'étaient décidées à « matcher » la spéculation conte l'euro. Certains se sont refaits.
Ses plans de rigueur et autres
déclarations ne convainquent plus. Il a oublié le chômage au détriment du chômage, qui progresse. Le candidat du travail n'est plus que le président des agences.
les mots ont un sens : Sarkozy et la crise... par politistution Sarkofrance