Un refrain sur les murs - Murielle MAGELLAN

Par Liliba

 

« Cette mélodie, elle la connaissait. D'où venait qu'elle l'entendait de nouveau en moins de deux jours ? Avec cette façon similaire de décaler, de balancer les notes en dehors du temps, d'être fidèle puis de trahir... Rien en vue pourtant. Le hautbois devait s'extraire d'une rue transversale. D'ailleurs l'instrument s'était tu. Isabelle se demanda si elle avait rêvé, mais non. Les sons continuaient à résonner en elle, persistants. S'agissait-il du jeune homme à la tête étrange cette fois encore ? Celui au regard flatteur ? Ce serait un sacré hasard. »

Voici un roman à deux voix, celle d’Isabelle et de sa fille Romane, mais à 20 ans d’écart. Un roman sur deux femmes aussi différentes que le feu et la glace, mais toutes les deux très attachantes.

Isabelle est seule à Paris en plein mois d’août, désœuvrée, renfermée sur elle-même comme toujours, repliée sur son mal-être, son manque d’envie et elle n’arrive pas à profiter du temps libre offert par l’absence de ses deux enfants partis en vacances chez leur père. Elle va croiser dans la rue un jeune joueur de hautbois qui sans savoir pourquoi la marquera, l’émouvra (ça fait bizarre, hein ? mais j'ai vérifié dans le Beschrelle !). Elle le retrouvera bientôt et il s’installera chez elle pour refaire la chambre de la petite Romane. Leur relation est étrange, faite de confiance, mais aussi de beaucoup d’interrogations de la part d’Isabelle. Cet homme secret, ce « So What » comme il se fait appeler ne livre rien ou presque de sa vie ni de son passé, mais semble connaître et comprendre cette femme comme s’il la connaissait depuis toujours. Il bouscule ses certitudes, la dérange, dans une douce violence dont elle n’arrive pas à s’arracher. Sa vie, enfin, semble prendre corps, devenir réelle, elle se met à avoir des envies, des désirs même, à sortir de sa coquille, à goûter la vie, même si c’est du bout des lèvres et avec une grande frayeur.

Des années plus tard, Romane tente de comprendre sa mère désormais décédée. Elle va se contraindre à combattre la violence qui l’habite depuis son enfance pour élucider ce mystère que représente sa maman, et peut-être, prendre du recul, apaiser sa colère et lui pardonner. Les murs de sa chambre d’enfant lui ouvriront de nouvelles portes…

Un bien joli roman, simple et doux malgré la dureté de Romane et le combat de sa mère contre elle-même. Un roman sur l’acceptation de nos désirs, de ce qu’on est, sur le fait d’oser, oser vivre ou être fou, oser aimer ou transgresser les tabous, et oser suivre son imagination... La musique du hautbois de So What semble résonner tout du long et le texte est de ce fait fluide, musical, tout en simplicité.