En mai 2011, il a été condamné, en première instance, à cinq années de prison ferme. Dénoncé par un voisin à qui il avait remis un DVD sur la vie du Christ , Karim a été arrêté par des policiers qui l’avaient traité comme un criminel.
Les autorités algériennes ont fait adopter en 2006 une nouvelle loi qui punit de 2 à 5 ans de prison et de fortes amendes toute personne rendue coupable d’évangélisation.
Depuis, plusieurs chrétiens ont fait l’objet de harcèlements policiers et de poursuites judiciaires.Dans l’attente de son jugement, Karim est retourné à Tizi Ouzou, en Kabylie, avec sa femme et leur fille Emmanuelle. Karim ne parle pas français, c’est pourquoi sa femme, Yakout, se fera son porte-parole.Contactée par téléphone par DNA, Yakout aura un discours de paix et de tolérance en dépit de la menace de prison qui plane sur son mari.
« Comme le consacre la religion de Jésus Christ », dira-t-elle. A l’issue de l’entretien, je leur souhaite bonne chance. Elle me répondra : « Amen, ma sœur ». Ni Karim ni sa femme ne sont exprimés jusqu’à présent dans les médias.
En exclusivité, l’essentiel de l’échange.
DNA : Comment vivez-vous cette veille de jugement ?
Yakout Siaghi : Nous somme confiants et sereins. Nous avons confiance en Dieu.
Quel Dieu ?Notre Dieu Jésus-Christ. Nous avons une confiance totale en lui. Il dit d’ailleurs : « Je ne vous abandonnerai jamais ». Nous restons fidèles à notre église. Et continuons à exercer le culte le plus normalement du monde.
N’êtes-vous pas limités dans votre liberté de culte justement ?Un peu. Nous allons prier normalement. D’ailleurs, je suis dans une église. Au quotidien, nous n’éprouvons pas de contraintes mais bon...Il y a la justice et parfois des gens peu compréhensifs. Il y a eu aussi le terrorisme. Cela a été dur. Aujourd’hui, on nous accuse de blasphème mais c’est une excuse, un prétexte
Quel contact avez-vous gardé avec votre voisin qui vous a dénoncé ?Nous l’aimons. Je l’aime. Nous avons continué à le voir, il gère un taxiphone. On le salue et ce n’est pas un problème.
Vous l’aimez, pourtant lui ne vous aime pas puisqu’il porte plainte contre vous... C’est son problème s’il ne nous aime pas. Nous l'aimons et nous ne nous tenons pas rancune.
Comment se sont déroulées vos vies à Oran ?Nous y étions depuis presque deux ans et tout se passait bien. Ceci dit, nous avons eu quelques soucis à inscrire notre fille à l’état civil sous le prénom Emmanuelle. Puis, ils ont vu que l’article 63 du code de la famille, je crois, permettait à des personne d’une autre confession de choisir un prénom non musulman.
Qu’est-ce que qui vous a conduit à opter pour la religion protestante votre mari et vous ? Nous sommes tous deux issus de familles musulmanes et étions déjà converti au protestantisme avant notre mariage. Pour mon mari, Jésus Christ s’est révélé à lui à deux reprises dans un rêve en lui disant : « Ne craint rien mon fils ». Il a toujours cherché le chemin de Dieu.
De mon côté, j’étais opposée dès mon jeune âge à la religion de mes parents. Et j’ai toujours bataillé pour les droits de la femme. Elles sont marginalisées, parfois abandonnées dans la rue avec des enfants. La religion musulmane, à mon sens, ne consacre pas les droits de la femme et cela m’a toujours rebellée. Je suis issue d’une famille musulmane marabout, mais j’ai toujours été contre.
Peut-on dire qu’il y a une différence entre les autorités et la population algériennes face au protestantisme ?Avec les musulmans, certains n’éprouvent aucun problème à nous fréquenter. D'autres nous rejettent pour notre foi. Il y a des extrémistes. Mais sinon, il y a des églises et une communauté protestante.
Vous êtes confiante pour le procès ?On a confiance en Dieu. Quelque soit l’issue du jugement. C’est pour la gloire de Jésus
Propos recueillis par Zineb A. Maïche