Jacques Attali, l’expert nommé en 2007, par Nicolas Sarkozy, président de la Commission pour la libération de la croissance française, a été chargé en 2010 de proposer des pistes de sortie de crise. Le voilà maintenant qui joue les Cassandre. En effet, lors d’une interview accordée ce 26 novembre à 20 minutes, il a déclaré : « La question désormais est la suivante : ‟Est-ce que l'euro existera toujours à Noël ?”. Il y a plus d'une chance sur deux pour que la monnaie unique ne soit plus là ou du moins qu'elle soit en train de se défaire ».
Comment un économiste de cette pointure peut-il se permettre d’émettre une telle prédiction ? Il oublie peut-être les difficultés qu’il y a à changer de monnaie. Le passage à l’euro s’est en fait réalisé en deux temps. En janvier 2000, on a substitué l’euro aux monnaies nationales pour les cotations en Bourse et le remplacement de ces monnaies par l’euro n’a été effectif qu’au premier janvier 2002.
Une telle opération est complexe. Passer d’une monnaie scripturale, celle qui figure dans nos divers comptes bancaires, à une autre, nécessite la modification d’un vaste ensemble de programmes informatiques et cette évolution ne peut s’accomplir sur un claquement de doigts. Et remplacer la monnaie qui se trouve sous forme de billets dans nos portefeuilles et sous forme de pièces dans nos porte-monnaie est une entreprise autrement plus complexe. Il faut choisir le format des billets, leur aspect, la valeur des pièces et leurs gravures, et encore beaucoup d’autres éléments. Il faut ensuite produire pièces et billets en quantité suffisante pour faire face aux besoins de la population.
Une foule d’autres outils doivent également être adaptés, comme par exemple les distributeurs automatiques, les caisses de parking, les monnayeurs. Et tout un dispositif doit être mis en place pour assurer un certain temps de coexistence entre l’ancienne et la nouvelle monnaie. Il en résulte que, si l’on pouvait, au prix de réelles acrobaties, utiliser une nouvelle monnaie scripturale, il est physiquement impossible de faire disparaître l’euro de nos poches d’ici Noël.
Dans ces conditions, pourquoi Jacques Attali formule-t-il une telle prophétie, qu’il prend bien soin d’adoucir ensuite en précisant « ou du moins qu'elle soit en train de se défaire » ?
- Pour prendre la stature d’un oracle ?
- Pour grandir sa réputation en se préparant, en cas d’accident, à pouvoir dire : « Je vous l’avais bien dit ! »
Lamentable !