Samedi vers 12 heures. Une énième personne en situation de handicap appelle le standard très souvent saturé du PAM93 : le service des transport "à la demande" des personnes handicapées en Seine Saint Denis. Ce service est l'émanation d'un réseau déjà existant à Paris et en proche banlieue. C'est K. qui répond au standard. Sûr de lui, volontiers moralisateur, K. n'est pas très aimable, pas très humain. Il déroule en boucle son discours bien appris. Les personnes handicapées lui servent d'exutoire. On est toujours le discriminant de quelqu'un.
Que des personnes handicapées réclament à longueur de journée au standard PAM93 parce que leur transport n'est pas à l'heure ou qu'il a été tout bonnement "oublié", il n'en a cure. "Pam,pam, pam, pammm..." (la septième!), comme Beethoven il n'entend goutte! Comme il le dit à cette jeune femme en fauteuil électrique qui a pris rendez-vous quinze jours à l'avance et qui se retrouve sans transport le jour venu: "il ne peut pas porter à lui tout seul la misère du monde". Il ne risque pas de la porter, bien que la misère, il y a peu encore, il la connaissait.
Il faut dire que plus rien ne va dans le 93, et le transport pour les personnes handicapées ne fait pas exception à la règle. Les affiches du PAM93 sont affichées partout dans le département. Il existe une charte qui garantit une qualité de service. Mais la réalité est tout autre : il n'y a pas assez de véhicules, peu de chauffeurs compétents, courtois et serviables. Les retards s'accumulent. La gestion est cahotique: les factures sont réclamées plusieurs fois. Les feuilles de route des chauffeurs : de simples bouts de papier griffonnés à la main. On constate également que ce transport adapté, créé pour remplacer des transports en commun inaccessibles aux personnes handicapées, sert au transport scolaire : une manière comme une autre de faire des économies pour le département en détournant un service spécifique.
Donc, en ce samedi de mars, K. a réduit à néant tous ces beaux espoirs de sortie, de loisirs, de liberté, tous ces rendez-vous aujourd'hui manqués parce que des transports ont fait défaut et qu'il va falloir rester chez soi, en ravalant un peu plus sa déception. On n'a pas le droit de décevoir une personne en situation de handicap, de l'abaisser à mendier un transport, à quémander un petit bout de vie. Elle a le droit au bonheur comme tout le monde, le droit de retrouver son amoureux, le droit de flâner dans les rues, d'aller dire bonjour aux Mona Lisa du Louvre, de "magasiner", de rêver le nez en l'air. Sans oublier que ce transport adapté lui est indispensable pour se rendre à ses rendez-vous professionnels ou pour sa santé. Une personne handicapée n'est pas une personne exceptionnelle, elle a les mêmes besoins que vous. Elle se passerait bien d'un transport adapté si la société avait mis les moyens nécessaires pour rendre la ville accessible.
Une pétition de la délégation régionale de l'Association des Paralysés de France circule actuellement pour que le Conseil Général de Seine Saint Denis prenne les mesures qui s'imposent, si toutefois les élus socialistes ne cèdent pas à l'angélisme ambiant et à la désinvolture envers une frange de la population qui semble de moins en moins prise en considération.
Philippe Barraqué
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