Le 21 septembre 2011 les ministres des finances suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, et allemand, Wolfgang Schäuble, signent l'accord fiscal ici et ici [d'où provient la photo] entre l'Allemagne et la Suisse qui avait été paraphé par les négociateurs des deux pays le 10 août 2011 ici et ici.
Comme cet accord doit encore être entériné par le Bundesrat et que la majorité sociale-démocrate de cette chambre, où sont représentés les Länder, est hostile à la version actuelle de cet accord, il est vraisemblable que l'Allemagne demandera de le renégocier d'ici peu ici.
Pour préserver ce qui restait du secret bancaire helvétique, mis à mal, entre autres, par des voleurs de données, l'Allemagne et la Suisse avaient accepté le principe de compenser son maintien en taxant les revenus des détenteurs allemands de comptes en Suisse de la même manière qu'ils l'auraient été s'ils avaient été perçus en Allemagne.
Avec cet accord, l'Allemagne ne perdait rien financièrement parlant et la Suisse maintenait le droit de l'homme à sa sphère privée dont le secret bancaire fait ici partie. Ce qui devrait, entre parenthèses, être le cas partout ailleurs. Tout le monde aurait dû donc être content de cet accord, même s'il ne plaisait pas à la Commission européenne, composés d'eurocrates à l'âme policière.
Ce plan de compensation était une idée de l'Association of Foreign Banks in Switzerland ici, qui l'avait baptisé Rubik. Le nom de ce plan était en effet "inspiré par le célèbre puzzle tridimensionnel, dont il faut regrouper les couleurs sur chacune des faces d'un cube" ici. Selon ses promoteurs, son but n'était-il pas, par analogie, de "remettre de l'ordre dans un secteur en grande confusion" ?
Au moment de son adoption je me demandais s'il était bien moral de monnayer un droit de l'homme, d'autant que c'était un encouragement aux faux-monnayeurs et aux mauvais gestionnaires de persévérer dans leurs vols légaux et leurs turpitudes publiques.
Mais le pragmatisme germano-suisse a malheureusement prévalu sur les principes. Les principes subissaient d'ailleurs une autre entorse puisque la Suisse s'engageait à livrer en pâture au fisc allemand quelques 500 évadés par an.
Les sociaux-démocrates allemands trouvent maintenant que les évadés du fisc qu'ils appellent des fraudeurs s'en tirent à trop bon compte. Sous cette couverture morale, ils voudraient donc que davantage d'évadés soient livrés chaque année au fisc allemand et que ceux qui souhaiteraient garder l'anonymat sans être découverts soient taxés davantage qu'en Allemagne, c'est-à-dire au taux de 35%, qui est le taux moyen de l'Union européenne.
Ne fallait-il pas se douter qu'à partir du moment où la Suisse acceptait de marchander son secret bancaire, les enchères monteraient, comme dans tout chantage, surtout en présence de sociaux-démocrates allemands qui comptent dans leurs rangs, rappelons-le, ce fou furieux de Peer Steinbrück ici ?
Francis Richard