Daniel Lopatin, l’homme derrière ce projet, nous avait comblé avec l’excellent Returnal l’année dernière… On ne peut pas en dire autant concernant son album Channel Pressure avec Joel Ford, qui était plus teinté de synth pop brouillonne. C’est une très belle surprise de fin d’année que son dernier album, qui est ce qu’il a fait de plus fin et de plus réussi. Chronique !
Hum. Cet album est sans doute difficilement accessible, mais il représente un travail de qualité et de recherche qui nécessite plusieurs écoutes pour en capter toute la subtilité. Simplement, Lopatin crée une musique extrêmement profonde, ayant pour but de retranscrire une ambiance fantomatique et perdue. A chemin entre le vintage et le drone, OPN a samplé beaucoup de publicités des années 80 pour créer cet album. On se retrouve alors avec des sons déchirés et intrigants, influencés par son travail sur Channel Pressure où il glorifiait la synth pop de cette période. On sent cependant qu’il prend de nouveaux horizons : beaucoup plus de piano, de sampling etc que de simple drone.
L’émotion qu’il transmet dans ses sons est extrêmement intense. Je ne sais pas si c’est à cause du piano, des vagues d’ambient, des synthés qui apparaissent à certains moments, du côté expérimental et répétitif… Mais c’est hypnotisant. Les samples paraissent presque naturels, on a l’impression d’entendre une soundtrack d’un monde perdu entre délire, vie quotidienne et passé flou. Chaque sample est intrigant et rend sa musique très nostalgique, une nostalgie que tout le monde peut ressentir tant elle est proche. OPN amplifie ces simples émotions de la vie de tous les jours, ces moments si communs, et les transforme en une aura floue et pleine d’un drone psychédélique… Replica porte bien son nom, puisqu’il est une réplique de ces moments là.
Replica est très beau. Certains sons sont tout simplement magnifiques. Prenons le title track, Replica. Personnellement, cette chanson déchire littéralement mon âme à chaque écoute. Je suppose que cette chanson doit avoir un effet particulier sur chacun tant elle capte chaque instant et chaque émotion. Chaque pause est à sa place, chaque petit bruit accentue cette émotion. Prenez le très célèbre Avril 14th de Aphex Twin. Ajoutez y du drone, des pauses presque humaines, et une vague d’ambient très intense. Cette chanson est aussi triste que la tristesse peut l’être : extrêmement nostalgique, plaintif, mélancolique et intense. La première moitié de la chanson est un processus hypnotisant : le piano lent qui se répète, les pauses… puis la seconde moitié introduit cette intensité qui amplifie chaque note de ce maudit piano. Cette drone progressive, cette vague d’ambient fluide et distordue… Même le clip retranscrit parfaitement cette tristesse lente et répétitive. A travers des éléments qui apparaissent simple, des actes quotidiens, un simple cartoon est transformé en une histoire extrêmement triste. C’est là toute la subtilité de Replica.
Cependant, Replica reste très varié. Des morceaux comme Up ou Sleep Dealer usent de samples et d’une pincée de chillwave pour créer une IDM qui rappelle en tout point celle du très talentueux Pogo. Child Soldier ressemble presque à du hip-hop d’une autre galaxie, avec ses samples chopped & screwed. Mais la fonction des samples ici est différente. Les samples n’accompagnent pas le piano, ne sont pas là pour meubler le vide du drone, non : Ici, la voix est un instrument. Et l’absence de voix aussi. Les pauses sont très fréquentes, et à la manière de James Blake, sans pourtant être ennuyeux mais fascinant, Lopatin joue sur les pauses pour renforcer le côté vivant. Toutes les voix, toutes les répétitions, toutes les pauses… C’est très bien mené dans le cadre de l’album. C’est un album qui fait plus que retranscrire des émotions : c’est un album qui capture ces émotions et les infuse à l’auditeur. C’est un album qui exploite le contexte de l’auditeur et son environnement pour jouer sur sa propre imagination. Il nécessite une réelle implication de l’auditeur, car c’est une vraie expérience musicale presque basée sur l’imaginaire, voire surréaliste.
L’album se finit magistralement sur Explain, le plus long track de l’album (6:41), qui réutilise les vagues ambient de Replica dans un autre contexte. On entend des bruits d’oiseaux, du glitch, et progressivement du drone de plus en plus intense. Jusque là, ça peut apparaître classique, mais vers la fin, OPN se déchaîne, beaucoup d’instruments apparaissent, le drone se transforme en mélodie presque joyeuse, pour s’achever sur une ambient faite de voix.
Ainsi, alors qu’on croyait que la majorité des meilleurs albums étaient déjà sortis pour cette année, Replica nous surprend en fin d’année et se loge fièrement parmi les meilleurs albums de l’année. Oneohtrix Point Never nous délivre un album intemporel, et le meilleur album drone/ambient de l’année.
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