Quand un film devient un phénomène comme est en train de le devenir Intouchables, on est forcément amené à un moment ou à un autre à en parler. Certains pour taper dessus sans l’avoir vu et afficher un simple mépris du succès, d’autres pour annoncer leur déception face à la ferveur qui entoure le film, d’autres encore pour crier leur amour du feel good movie annoncé. Pourquoi donc en parle-je de mon côté ? Pour l’une de ces raisons ? Pour une autre tout à fait différente ? Et d’abord est-ce vraiment français de dire « parle-je » ? Pardon, je dérive…
Avais-je envie de voir le film d’Olivier Nakache et Eric Toledano avant que le public ne s’en empare et n’en fasse le plus grand succès de l’année au box-office ? Bien sûr. J’avais vu et apprécié chacun des films réalisés par le duo, j’ai rarement pour habitude de manquer un film avec François Cluzet… non il n’était pas question que je rate le film. Et non, je ne suis pas de ceux qui se montrent méfiants à l’égard d’un film dès qu’il devient très populaire sous prétexte qu’il risque d’être très consensuel pour avoir ainsi satisfait tant de monde. Non, le succès d’Intouchables n’a ni décuplé, ni amoindri mon envie d’aller voir le film. Il a simplement fallu que j’attende un peu plus longtemps que prévu pour le voir, les séances affichant continuellement complètes aux quatre coins de Paris.
Je l’ai finalement vu un samedi après-midi vers Opéra, quatre semaines après sa sortie, en ayant acheté ma place près d’une heure en avance histoire de ne pas avoir à faire la queue 30 minutes pour l’obtenir. La salle était pleine à craquer, et dans un étrange état d’excitation, le genre d’excitation que j’avais ressenti en octobre 99 quand j’étais allé voir Star Wars Episode I : La Menace Fantôme ou à Noël 2001 pour découvrir le premier volet du Seigneur des Anneaux par Peter Jackson. De mon côté j’étais content d’enfin pouvoir voir Intouchables, mais autour de moi, nombre de spectateurs venaient à l’évidence voir l’évènement de l’année, poussés par le bouche-à-oreille et la ferveur publique.
Tout au long du film, ce fut un festival de jubilation auquel j’ai assisté dans la salle. Tant de rires qu’il était parfois difficile d’entendre certaines répliques, tant d’applaudissements qu’on se serait cru au Festival de Cannes. L’expérience était à la fois déconcertante et amusante. Déconcertante car il se produit avec un film comme Intouchables quelque chose d’imprévisible et d’incontrôlable, une appropriation totale et immédiate du public vis-à-vis d’un film que rien ne prédestinait sur le papier à devenir l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma. Un succès qui se dessine jour après jour au box-office français. Un mois après sa sortie, le film n’a encore jamais affiché moins de deux millions d’entrées par semaine, et passe à l’heure où j’écris ces lignes les 10 millions de spectateurs en salles.
Il est regrettable de ne pouvoir pleinement s’en réjouir, car il apparaît assez évident que le succès monstre d’Intouchables est l’une des raisons notables de l’échec de films comme Toutes nos envies ou L’ordre et la morale, mais il y a tout de même matière à être satisfait. Bien sûr parce que le film confirme une embellie automnale incroyable pour le cinéma hexagonal au box-office… mais surtout parce qu’Intouchables est un bon film. L’enthousiasme déchaîné de certains pourrait toujours sembler disproportionné, il n’empêche que le film est une jolie bourrasque d’humour au cœur de laquelle l’aventure humaine des deux hommes interprétés par Omar Sy et François Cluzet est souvent réjouissante (même si tous les clichés en pagailles sur le personnage de gars de la cité qui parcourent le film auraient pu être mis nettement en sourdine).
Après le triomphe impérial un peu honteux d’un film aussi passable que Bienvenue chez les ch’tis, voir Intouchables s’en aller tutoyer les sommets et enthousiasmer les français fait décidément plaisir. Les plus grands succès du box-office sont rarement les plus innovants et ambitieux, Intouchables le confirme. Mais savoir se montrer réjouissant en toute simplicité, c’est aussi la force du film.