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L'aggravation de la crise des dettes souveraines rejaillit sur les banques européennes qui éprouvent de plus en plus de difficultés à lever des fonds.
Les statistiques font apparaître chaque jour un peu plus nettement le problème croissant de financement auquel sont confrontées les banques de la zone euro. Le phénomène n'est plus cantonné aux établissements basés dans les pays périphériques mais a gagné le cœur de l'Europe, traduisant le lien toujours plus étroit entre la crise des dettes des États et la situation du système bancaire.
À ce jour, sur l'année 2011, les banques européennes ont dû rembourser 888 milliards de dollars à leurs créanciers (tous types d'obligations confondues), mais elles n'ont pu emprunter que 744 milliards de dollars sur la période, révèlent des chiffres publiés par le cabinet Dealogic. Un écart de près de 150 milliards de dollars qui masque plusieurs phénomènes. D'un côté, les banques qui le peuvent accumulent le «cash». De l'autre, celles, plus nombreuses, qui sont structurellement emprunteuses, doivent trouver des solutions pour combler l'écart entre ce qu'elles doivent et ce qu'elles peuvent emprunter pour éviter la crise de liquidités, c'est-à-dire le défaut de paiement.
La première solution passe par la Banque centrale européenne qui a ouvert de plus en plus largement ses guichets. Massivement utilisées par les établissements grecs, irlandais ou portugais, ces facilités deviennent aussi cruciales pour les établissements dont les pays d'origine ont encore accès aux marchés. Les banques espagnoles avaient emprunté 86,2 milliards d'euros à la BCE à fin octobre (7 milliards de plus qu'à fin septembre). Les banques françaises ont franchi la barre des 100 milliards d'euros d'emprunts à la BCE, contre 86 milliards un mois plus tôt.
La seconde solution consiste pour les établissements à réduire leurs besoins de financement: elles contractent leurs bilans, c'est-à-dire à la fois les financements qu'elles fournissent à leurs clients et les positions qu'elles détiennent sur les marchés. Un mouvement massif baptisé «deleveraging» - évalué par les experts à plusieurs milliers de milliards d'euros dans les deux à trois ans.
Immobilisme des prêteurs
L'inquiétude, cependant, va croissant au sujet de 2012. Selon Dealogic, ce sont 720 milliards de dollars d'emprunts que les banques européennes devront rembourser. Combien pourront-elles lever face à ces échéances ? Le risque est élevé que l'écart entre les tombées d'emprunts et les nouvelles émissions soit encore beaucoup plus large qu'en 2011. Au minimum, les banques européennes, qui subissent directement le contrecoup des dégradations des notes des États sur leur propre notation, devront payer beaucoup plus cher. Mais même à prix d'or, il n'est pas sûr que les investisseurs répondent présent. Le marché des émissions obligataires bancaires est atone en Europe depuis des semaines.
Et les prêteurs potentiels s'inquiètent au moins autant pour la sécurité de leurs investissements en dette bancaire qu'en dette souveraine. Des projets visant à impliquer les créanciers privés dans un éventuel sauvetage bancaire circulent régulièrement. Et, désormais, les scénarios noirs de démembrement de l'euro transforment la prudence des investisseurs en immobilisme.
Dans ce contexte potentiellement explosif, plusieurs solutions de nature publique devraient émerger. La BCE plancherait sur l'ouverture de crédits à 2, voire 3 ans pour les banques afin de desserrer significativement la contrainte qui pèse sur elles. Quant aux États européens, ils envisagent de réactiver si nécessaire des garanties publiques de financement comme celle récemment accordée à Dexia par la Belgique et la France.
La crise de la liquidité en Europe n'est par ailleurs pas un phénomène exclusivement bancaire. Les entreprises non financières, même les plus solides, commencent elles aussi à voir leurs coûts de financement augmenter sur les marchés. Et plusieurs d'entre elles - Carrefour, Alstom, APRR - négocient actuellement avec leurs banques le renouvellement de leurs contrats de prêts, très en amont des échéances de façon à sécuriser au maximum leur situation financière, en prévision de mois qui s'annoncent encore plus difficiles.
Source : LeFigaro