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Le 11-Septembre, les militaires US menaient des exercices simulant une guerre nucléaire
Publié le 01 décembre 2011 par PlusnetLes pièces du puzzle continuent de s’assembler, et les attentats du 11-Septembre ressemblent de plus en plus à des événements réels tout droit sortis du monde virtuel des simulations militaires en cours ce jour-là. Si l’on essaie aujourd’hui de dessiner le cadre dans lequel sont survenus les attentats de New York et du Pentagone, il faut imaginer pratiquement l’ensemble des organes de la Défense US en train de conduire depuis plusieurs jours une multitude d’exercices d’entrainement avec pour scénario. une attaque nucléaire virtuelle contre les Etats-Unis, et le personnel militaire parfaitement incapable d’interpréter ou même de réagir aux annonces des vrais attentats lorsque ceux-ci se produisent dans le monde réel. Un aspect très certainement crucial de cette journée, qui expliquerait certains événements et/ou dysfonctionnements de la Défense aérienne, mais que la Commmission d’enquête sur le 11/9 a totalement négligé.
Le 11 septembre 2001 est évidemment connu comme le jour où les États-Unis ont subi les pires attentats terroristes de leur histoire. Mais ce qui est moins connu, c’est que ce même jour, une part importante des Forces armées dans tout le pays avait été préparée en vue d’une simulation de guerre nucléaire dans le cadre d’un vaste exercice d’entrainement conduit à ce moment-là. Lors de leurs exercices annuels « Vigilant Guardian » et « Global Guardian », le North American Aerospace Defense Command (NORAD) et le United States Strategic Command (STRATCOM) avaient planifié ce qui a été décrit comme une « simulation de guerre aérienne », un exercice de « guerre nucléaire totale », une « guerre nucléaire fictive », ou encore un « Armageddon simulé ».
Aucune enquête officielle n’a vu le jour pour tenter de mieux connaître ces exercices et leur impact sur la réponse des militaires aux attentats du 11/9. Mais tout semble indiquer qu’ils ont à tout le moins généré une certaine confusion entre ce qui se passait dans le « monde réel » et ce qui relevait de la simulation, et qu’ils ont effectivement pu constituer un facteur déterminant derrière les problèmes de communication connus par les militaires ce jour-là. D’autres éléments semblent montrer que certaines actions présentées comme des réactions aux attentats seraient en réalité liées à ces exercices – des actions comme celle d’augmenter le niveau d’alerte des services armés US au niveau Defcon 3, ou de refermer les épaisses « portes blindées » du Centre des opérations du NORAD à Cheyenne Mountain dans le Colorado. Il existe aussi des éléments indiquant que d’autres exercices de type « Armageddon simulé » étaient menés au moment des attentats du 11/9, mais nous n’avons aucun détail les concernant.
LES GARDIENS DU CIEL AMÉRICAIN ÉTAIENT PRÊTS POUR UNE SIMULATION D’ATTAQUE AÉRIENNE LE 11-SEPTEMBRE
Les exercices appelés « Vigilan Guardian » sont peut-être les plus importants à étudier. Leur examen minutieux est impératif étant donné le rôle crucial joué par le NORAD dans la réponse aux attentats du 11/9.
Le NORAD est l’organisation chargée de surveiller et de défendre l’espace aérien des États-Unis [et du Canada – NdT] . Sa création date de la Guerre froide, et sa mission est de protéger le continent nord-américain contre la possibilité d’une attaque nucléaire par l’Union soviétique. Son Centre des Opérations de Cheyenne Mountain (CMOC) dans le Colorado, où de nombreux officiers ont participé à Vigilant Guardian, a été décrit par la BBC comme « le centre nerveux de la défense aérienne nord-américaine. »[1] La fonction du CMOC, d’après le Toronto Star, était de « collecter toutes les informations, même les plus infimes, fournies par le NORAD, et les rassembler dans un tableau clair et limpide. »[2] De plus, le Northeast Air Defense Sector (NEADS) du NORAD, situé à Rome dans l’État de New York, était chargé de coordonner la réponse militaire aux détournements du 11-Septembre.[3]
Vigilant Guardian, décrit comme un « exercice d’entrainement de type Guerre froide », était organisé tous les ans par le NORAD. On raconte que sa durée était de deux semaines, et qu’il était en cours depuis plusieurs jours le 11-Septembre.[4] L’ensemble du NORAD, y compris les unités qui en dépendent, a participé aux exercices ce jour-là.[5] La direction du CMOC du NORAD était au complet pour cet entrainement, avec plus de 50 membres de la direction présents au Centre de gestion des conflits (Battle Management Center).[6] D’après Ken Merchant, le responsable de la conception de cet exercice conjoint, le National Military Command Center (NMCC) au Pentagone – qui a également joué un rôle clef dans la riposte militaire aux attentats du 11/9 – participe régulièrement aux exercices du NORAD. Il était donc très probablement préparé à jouer un rôle au cours de Vigilant Guardian le 11 septembre 2001.[7] L’EXERCICE SIMULAIT UNE « GUERRE NUCLÉAIRE TOTALE » CONTRE LA RUSSIE On ne connait pas les détails exacts de Vigilant Guardian, mais plusieurs personnes ont fourni des indications sur ce dont il s’agissait. Le premier ouvrage de l’Air Force sur les attentats du 11/9 parlait de Vigilant Guardian comme d’une « simulation de guerre aérienne » ou d’un « exercice de défense aérienne simulant une attaque contre les Etats-Unis. »[8] D’après une page d’information destinée aux participants[9], il s’agissait d’un exercice de « transfert des opérations de guerre au poste de commandement ». Ken Merchant dit de Vigilant Guardian que c’était un exercice de « guerre nucléaire totale. » [10] D’après le Denver Post, il aurait impliqué « toute une escalade d’événements allant des tensions diplomatiques à l’usage d’armements conventionnels menant inexorablement au conflit nucléaire. »[11] Le lieutenant-colonel William Glover, commandant du Centre d’alerte aérienne du NORAD le 11 septembre 2001, a expliqué que Vigilant Guardian incluait des « simulations de guerre » par le NORAD, avec « des attaques venant de l’extérieur, l’arrivée de bombardiers de type soviétique, des attaques de missiles de croisière, ce genre de chose. »[12] Le rapport de la Commission sur le 11/9 indique que l’exercice « comportait une attaque de bombardiers par l’ex-Union soviétique. »[13] Selon Merchant, cela incluait « une riposte au moyen de bombardiers et de missiles balistiques. »[14] L’ennemi imaginaire dans Vigilant Guardian était la Russie.[15] Merchant a expliqué devant la Commission sur le 11/9 que « le NORAD doit utiliser la Russie pour ses exercices au niveau stratégique puisqu’aucun autre pays ne présente de menace suffisamment sérieuse pour les possibilités et les responsabilités du NORAD. »[16] EXERCICE SIMULANT UN DÉTOURNEMENT D’AVION
On ne connait pas le détail des scénarios prévus pour le 11-Septembre, mais certaines informations ont filtré. Vanity Fair a rapporté que Vigilant Guardian avant été « conçu pour dérouler différents types de scénarios » ce jour-là, « dont la simulation d’un détournement classique d’avion au cours duquel des pirates poussés par des motivations politiques s’emparaient d’un avion, atterrissaient sur une île du genre Cuba, et demandaient l’asile politique. »[17] Jeff Ford, un lieutenant colonel de l’US Air Force qui travaillait au CMOC le 11 septembre 2001, se rappelle que cela comprenait « des événements impliquant des exercices aériens, avec ensuite l’arrivée d’informations prévues dans le scénario et auxquelles nous devions réagir, que ce soit sous la forme de l’envoi d’un chasseur pour aller intercepter un appareil inconnu, ou d’autres choses. » Pour Ford, « l’événement majeur supposé se produire ce jour-là était un bombardier B-1 survolant la base Fairchild de l’US Air Force [dans l’État de Washington] et s’éloignant ensuite au-dessus du Pacifique. »[18] L’EXERCICE « GLOBAL GUARDIAN » DEVAIT TESTER LA FACULTÉ DU STRATCOM À COMBATTRE DANS UNE GUERRE NUCLÉAIRE
L’autre exercice important simulant une guerre nucléaire, et dont nous savons qu’il s’est déroulé le 11-Septembre, s’appelait Global Guardian. Cet entrainement annuel était organisé par le STRATCOM, qui est « le commandement militaire US, seul en charge du maintien [en alerte] au jour le jour de nos forces nucléaires. »[19] Tout comme Vigilant Guardian, Global Guardian était planifié pour une durée de deux semaines et avait déjà commencé depuis plusieurs jours le 11 septembre 2001.[20] Global Guardian était en réalité mené « en coopération avec » de nombreux autres entrainements militaires, dont Vigilant Guardian.[21] Ken Merchant a expliqué devant la Commission sur le 11-Septembre que cet exercice « était synchronisé avec Vigilant Guardian de façon à tester la combinaison des capacités offensives du STRATCOM et celles défensives du NORAD. »[22] D’après un compte-rendu officiel de cet exercice, Global Guardian était conçu pour entrainer le STRATCOM et « avec l’appui des forces armées lors d’une crise simulée, valider les procédures de combat, et vérifier les relations de commandement. »[23] L’analyste militaire William Arkin le décrivait comme « un jeu de guerre totale avec de multiples conflits localisés menant à une guerre nucléaire globale. » [24] Le but de cet exercice, selon le journal the Omaha World-Herald, était de « tester la capacité du STRATCOM à mener une guerre nucléaire. »[25] Un des reporters a écrit que cela plaçait l’Amérique « dans une guerre nucléaire fictive, » et qu’il s’agissait de tester « la riposte à une attaque nucléaire fictive de la part d’un autre pays. »[26] L’adversaire préparant cette attaque nucléaire contre les US était un pays imaginaire dénommé « Slumonia », une petite nation du nord-est de l’Asie, doté de l’arme nucléaire.[27] DES SOUS-MARINS, DES BOMBARDIERS, ET DES CENTAINES D’EMPLOYÉS ON PARTICIPÉ À GLOBAL GUARDIAN
De nombreuses unités militaires ont participé à Global Guardian en septembre 2001.[28] Partout aux USA et dans ses territoires éloignés, des bombardiers, des missiles de croisière, et des sous-marins y ont pris part, sous les ordres du Commandement du STRATCOM envoyés depuis son bunker sur la base de l’Air Force à Offut, dans le Nebraska.[29] Tout comme Offut, d’autres bases de l’US Air Force réparties dans tous les Etats-Unis furent impliquées dans l’exercice, dont Barksdale, Minot, et Whiteman, où des « dizaines d’appareils et des centaines d’employés » y ont participé. [30] Cet exercice a également impliqué des employés du Pentagone, du camp H.M Smith à Hawaii, de la base Peterson de l’Air Force dans le Colorado, de la base Vandenberg de l’Air Force en Californie, de la base Scott de l’Air Force dans l’Illinois, et du Centre des Opérations de NORAD à Cheyenne’s Mountains.[31] D’après William Arkin, plusieurs civils haut placés et chefs militaires participaient habituellement] aux exercices Global Guardian, y compris des personnes travaillant pour le bureau du Secrétaire à la Défense, et le responsable du Chef d’état-major interarmes, et ce fut donc probablement le cas pour le Global Guardian de septembre 2001.[32] LE STRATCOM AVAIT AUGMENTÉ SON NIVEAU D’ALERTE, ET LES AVIONS « SIMULAIENT LEURS RÔLES DURANT UNE GUERRE »
L’amiral Richard Mies, qui était alors le commandant en chef du STRATCOM, a décrit la façon dont Global Guardian se déroulait au moment où les attentats du 11/9 sont survenus. Il a déclaré que le STRATCOM « s’était préparé à répondre à une attaque potentielle de la part d’un adversaire hypothétique. …Nous avions des informations disant qu’ils se préparaient à nous attaquer. » Le STRATCOM était en train de positionner ses forces « afin d’être prêt à fournir au Président de multiples façons de répondre. La plupart de nos systèmes de commandement et de contrôle qui ne sont pas en alerte en temps de paix étaient à un niveau bien plus élevé et il y avait un certain nombre d’avions, des appareils avec pilotes, qui étaient en vol, et qui simulaient leurs rôles de combat. » L’organisation préliminaire de ces exercices consistait à « augmenter au maximum notre niveau de préparation, … à préparer les bombardiers à décoller si nécessaire, … et à tenir les sous-marins encore dans les ports prêts à prendre la mer. » Mies a ajouté que Global Guardian avait concerné « la plupart des éléments de ce qui pourrait être le système de commandement et de contrôle en cas d’urgence nationale. » Cela incluait quelqu’un opérant comme « Secrétaire à la Défense » et quelqu’un d’autre comme « Président »[33] On trouvait parmi les objectifs de cet exercice, les « décisions présidentielles concernant l’arme atomique… [envoyées] aux forces armées, » ainsi que la préparation de l’envoi de directives de l’Autorité de commandement national, et donc les personnes faisant figure de Président et de Secrétaire à la Défense étaient également concernées par ces activités.[34] (L’autorité de Commandement national se réfère à la fois au Président et au Secrétaire à la Défense.) LE PERSONNEL A INSTALLÉ DE VRAIES BOMBES ATOMIQUES DANS LES BOMBARDIERS
D’après le journaliste Eric Schmitt et Thom Shanker, le personnel participant à cet exercice à la base de l’US Air Force de Barksdale en Louisiane a « sorti de vraies bombes atomiques et missiles des sites de stockage lourdement gardés, et les a chargés à bord de bombardiers B-52 » le matin du 11-Septembre. De véritables armes nucléaires furent utilisées, « même si les détonateurs n’étaient pas armés. »[35] Le magazine American History décrit la scène sur la base [de Barksdale] : « Même si ce n’était qu’un entrainement, le centre de commandement était sous haute tension, chacun travaillait comme si les avions allaient vraiment décoller pour larguer leurs bombes, plutôt que de s’arrêter en bout de piste. » Puis, à 9 h 00 précises (EDT), « une alarme a retenti dans toute la base et les équipages se sont précipités vers leurs avions. » Après l’annonce de l’attentat terroriste à New York, le commandement de la Base « a mis fin à l’exercice, mais a laissé les appareils avec leurs pleins et leurs armements en place. »[36] Dans le cadre de Global Guardian, trois avions E-4B du centre des Opérations national en vol, rattachés à la base de l’Air Force à Offutt , ont décollé le 11-Septembre. L’appareil E-4B, surnommé l’avion « Doomsday » ou « avion de l’Apocalypse » pendant la Guerre froide, est une version militarisée du Boeing 747-200. Il emporte des équipements de communication très sophistiqués et peut opérer comme poste de commandement alternatif d’où les chefs du gouvernement peuvent diriger les forces armées, envoyer des ordres de combat, et coordonner les actions des autorités civiles. Même après que Global Guardian ait pris fin, les trois E-4B sont restés en vol.[37] * * * VIDEO DE CNN FILMANT UN AVION E-4B DÉJÀ PRÉSENT * * * * * * AVANT L'ATTAQUE CONTRE LE PENTAGONE * * * LE COMMANDANT DE L’AIR FORCE PENSAIT QUE LE PREMIER ATTENTAT CONTRE LA TOUR NORD FAISAIT PARTIE DE L’EXERCICE DE SIMULATION
Le fait que ces exercices d’entrainement aient été conduits précisément le matin du 11-Septembre soulève d’importantes questions. Comme le faisait remarquer le journal Omaha World-Herald, c’est une bien étrange coïncidence que l’exercice Global Guardian ait été à plein régime exactement au moment où les États-Unis ont subi ces attaques.[38] Il est nécessaire d’étudier à quel point le personnel militaire a été dérouté en raison de leur préparation pour une attaque simulée contre l’Amérique au moment même où avaient lieu les véritables attentats. Nous avons déjà connaissance de cas où les exercices ont causé une certaine confusion. Par exemple, lorsque le lieutenant général Thomas Keck qui commandait la 8e unité de l’Air Force basée à Barksdale et qui supervisait les exercices Global Guardian [Ndlr : c'est là que l'Air Force One de George W. Bush a atterri le 11/9 après être reparti de l'école], a appris qu’un avion s’était écrasé contre le World Trade Center, il a d’abord cru que cela faisait partie du scénario de la simulation. Il a donc interpelé le jeune officier porteur de cette nouvelle en lui disant : « Ce n’est pas comme cela qu’on insère une situation dans un exercice d’entrainement ! Quand vous rajoutez une information dans le scénario, vous devez dire ‘Monsieur, ceci est une nouvelle donnée de l’exercice,’ et seulement après vous me donnez l’information. » De plus, certains personnels navigants de Barksdale qui avaient participé à l’exercice semblent n’avoir eu qu’une connaissance très vague de la crise dans le monde réel. Le journal American History a remarqué qu’après que Global Guardian ait pris fin, les équipages des bombardiers B-52 savaient juste que « quelque chose de très grave s’était produit et qu’on ne leur avait pas ordonné de rester au sol. » Même au début de l’après-midi, ils avaient seulement entendu « quelques informations générales à propos des attentats à New York et au Pentagone. »[39] L’EXERCICE COMPRENAIT DES PANNES SIMULÉES DE COMMUNICATION
Il nous faut aussi savoir si les actions incluses dans les exercices d’entrainement ont affecté les lignes de communication qui auraient pu se montrer cruciales pour la mise en place d’une réponse appropriée aux attentats terroristes. Certains éléments montrent que cela pourrait bien s’être produit. Par exemple, un des objectifs avoués de Global Guardian en septembre 2001 était de « simuler des pannes entre les nœuds du NC2 [Nuclear Command & Control], obligeant la mise en oeuvre de liens alternatifs pour maintenir la connectivité. » Un autre objectif fixé aux participants était qu’ils « déterminent les impacts opérationnels et les moyens de pallier à des pannes simulées du système C4I [Command, Control, Communications, Computers, & Intelligence]. » Les rapports établis suite à l’exercice ne détaillent pas en quoi consistaient les « pannes simulées du C4I » [40] Il est certain que ceux qui ont participé à Vigilant Guardian au centre CMOC du NORAD ont été confrontés à d’importants problèmes de communication. William Glover se souvient que le jour du 11/9 fut pour lui « la première fois, voyez-vous, où j’ai dû réfléchir dans le ‘brouillard de la guerre’, car nous ne savions pas ce qui se passait. » [41] Le major général Rich Findely, directeur des Opérations au NORAD a fait ce commentaire : « Je ne dirais pas que nous avons été pris par surprise, mais nous étions un peu impuissants pendant pratiquement toute la matinée, tentant d’évaluer les informations qui pouvaient filtrer. »[42] Et le lieutenant-colonel Steven Armstrong, chef de la planification et des forces armées du NORAD, s’est plaint de ce que lui et ses collègues « s’étaient retrouvés dans un vide total d’informations, à la recherche de tout ce qu’ils pourraient glaner. » Il a ajouté, « les seules informations que nous réussissions à obtenir à ce moment-là nous arrivaient par la télé. »[43] Les causes de ce « vide total d’informations » méritent très certainement d’être expliquées. Pourrait-il être dû, en partie, à une attaque contre les systèmes militaires de communication qui était incluse dans un ou plusieurs exercices ce jour-là ? Certaines actions déclenchées le 11-Septembre ont été rapportées comme faisant partie de la réponse aux attentats terroristes, mais certains éléments suggèrent qu’elles auraient en fait été menées dans le cadre d’un exercice, ou du moins que c’est ainsi que les auraient perçues certains militaires. On trouve au moins deux exemples de telles actions, que nous allons détailler plus bas : la fermeture des épaisses portes blindées du Centre des Opérations du NORAD à Cheyenne Mountain, et l’ordre d’élever le niveau d’alerte militaire à Defcon 3. Si ces actions étaient liées aux exercices qui avaient lieu ce jour-là, cela pourrait soulever de nouvelles questions sur la confusion causée par ces exercices, et pourrait indiquer que les simulations ont continué après qu’il fut évident que les USA étaient en train de subir une attaque terroriste majeure. LE NORAD FERME SES PORTES PROTÉGEANT SON CENTRE DES OPÉRATIONS CONTRE UNE ATTAQUE NUCLÉAIRE
Le matin du 11-Septembre, les épaisses portes d’acier du Centre des opérations du NORAD à Cheyenne Mountain furent fermées pour la première fois dans le cadre d’une vraie situation de crise depuis la création du CMOC en 1966.[44] Les deux portes ont presque un mètre d’épaisseur et pèsent chacune 25 tonnes.[45] Elles ont été conçues pour sceller le Centre des opérations et pour le protéger d’une explosion atomique.[46] L’heure exacte à laquelle les portes blindées ont été fermées n’est pas connue, mais un documentaire de la BBC place l’événement vers 10h15 du matin.[47] Les raisons de leur fermeture ne sont cependant pas très claires. Certains rapports suggèrent qu’elles ont été refermées à cause des informations reçues par le CMOC à propos d’un avion dont on pensait à tort qu’il avait été détourné et qu’il se dirigeait vers Cheyenne Mountain.[48] Pourtant, comme le faisait remarquer le Regina Leader-Post, « à l’abri sous presque 1000 mètres de granit, le centre de commandement du NORAD et son personnel en tenue verte se trouvaient véritablement dans l’endroit le plus sûr de tous les États-Unis. »[49] Le CMOC était donc déjà à l’abri d’un avion s’écrasant contre la montagne. De plus, les portes blindées sont situées au bout d’un tunnel s’enfonçant d’environ 500 mètres dans la montagne.[50] Le fait de les refermer n’apporte donc pas vraiment de protection supplémentaire contre un avion menaçant de s’écraser, puisqu’il est pour le moins improbable qu’il réussisse à se faufiler le long du tunnel et à parvenir jusqu’à l’entrée du CMOC ! Le brigadier général Jim Hunter, vice commandant du CMOC le 11-Septembre, a commenté cette absence de danger en disant, « Ils pouvaient bien envoyer des avions toute la journée contre la montagne s’ils voulaient… »[51] LES PORTES BLINDÉES FURENT REFERMÉES PENDANT DES EXERCICES
Il est intéressant de se demander s’il peut y avoir une autre explication à la fermeture de ces portes blindées. Cela a-t-il été fait dans le cadre de l’un des exercices ? Vigilant Guardian et Global Guardian impliquaient tous les deux une simulation de guerre nucléaire. Et puisque les portes avaient été conçues pour protéger le CMOC d’une frappe nucléaire, il semble logique qu’on les ait refermées pendant un exercice simulant précisément une attaque nucléaire contre les États-Unis. De plus, alors que ces portes n’avaient jamais été refermées lors d’une situation de crise dans le monde réel avant le 11-Septembre, elles l’avaient été durant certains exercices. L’officier de l’US Air Force William Astore a écrit que lorsqu’il travaillait à Cheyenne Mountain entre 1985 et 1988, les portes blindées étaient toujours restées ouvertes « sauf bien sûr lors des exercices lorsque la montagne se refermait sur son petit monde intérieur. »[52] LE NIVEAU D’ALERTE MILITAIRE GRIMPE À DEFCON 3 Un autre événement jamais vraiment expliqué survenu le 11-Septembre est l’ordre d’augmenter le niveau d’alerte de la Défense, la passant de Defcon 5 – le plus bas niveau possible – à Defcon 3, qui est le plus haut niveau jamais atteint depuis 28 ans.[53] Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a ordonné la montée à Defcon 3 aux environs de 10 h 45 ce matin-là, après en avoir discuté avec le général Richard Myers, l’officier opérant comme chef de l’état-major inter-armes. Rumsfeld en a également discuté avec le Vice-président Dick Cheney lors de la conférence sur la menace aérienne, et a informé plus tard le président Bush qui a approuvé cette décision.[54] LE BUT DE DEFCON 3 ÉTAIT DE RÉPONDRE À UNE MENACE NUCLÉAIRE
Mais certaines voix se sont élevées pour remettre en cause la pertinence de l’augmentation du niveau d’alerte dans le cas d’une situation comme celle du 11/9. John Farmer, le haut conseiller de la Commission sur le 11-Septembre, a expliqué que Defcon 3 est « une désignation datant de la Guerre froide, destinée à répondre à une menace nucléaire. »[55] Farmer et d’autres membres de la Commission ont écrit que « c’était beaucoup plus adapté à un conflit durant la Guerre froide qu’à un attentat d’al-Qaïda. »[56] Et le général Ralph Eberhart, commandant du NORAD le 11 septembre 2001, a expliqué devant la Commission sur le 11/9 que Defcon 3 « n’était pas destiné à des événements comme les attentats du 11/9 et que cela pourrait avoir compliqué la réponse aux attaques. » Il a indiqué que selon lui, l’augmentation du niveau d’alerte de la Défense « n’était d’aucune utilité pour nous » pour ce qui était du continent nord-américain.[57] Myers a expliqué à la Commission que la raison derrière l’élévation du niveau à Defcon 3 était « d’augmenter le niveau d’alerte et de protection de nos forces dans le monde entier. »[58] Mais les éléments montrent que cet ordre pourrait plutôt être lié aux exercices ayant eu lieu ce jour-là. DES VARIATIONS DE DEFCON FURENT SIMULÉES PENDANT DES EXERCICES
Bien que cela soit apparemment inapproprié en tant que réponse aux attaques du 11/9, l’augmentation du niveau d’alerte de la Défense faisait partie des exercices militaires à cette époque. Le sergent Brent Lanier, qui se trouvait au Centre des opérations du NORAD à Cheyenne Mountain le 11-Septembre et qui fut chargé d’envoyer un message à propos de l’élévation du niveau d’alerte, a expliqué qu’il n’avait jamais eu à envoyer de « véritables changements du niveau Defcon auparavant », mais qu’il l’avait cependant « déjà fait dans le cadre d’exercices. » [59] Il est aussi intéressant de noter que les détails sur l’augmentation du niveau d’alerte furent envoyés au travers d’un « Emergency action message » (EAM) à 10 h 52 le 11-Septembre.[60] Les messages EAM semblent correspondre davantage à des scénarios de type Guerre froide – comme celui de la simulation de guerre nucléaire menée par le NORAD et STRATCOM – que du type des attentats terroristes. Par exemple, les militaires US les définissent comme « des messages hautement structurés et authentifiés utilisés pour le commandement et le contrôle des forces nucléaires. »[61] En outre, l’EAM émis le 11-Septembre semble provenir du NMCC au Pentagone.[62] Et d’après Ken Merchant, pendant les exercices du NORAD (comme Vigilant Guardian), « bien souvent, le NMCC organisait des visioconférences et lançait des messages d’alertes EAM pour le NORAD, »[63] L’émission de message EAM semble également faire partie des exercices de STRATCOM. L’un des objectifs mentionnés pour l’exercice mené autour du 11/9 était que les participants « appliquent le message requérant des actions de première urgence en utilisant de moyens alternatifs. »[64] Se pourrait-il que le message EAM du 11-Septembre ait été lié à Vigilant Guardian et/ou à Global Guardian, plutôt qu’à la riposte aux attentats survenus dans le monde réel ? Ou bien les militaires ont-ils été déroutés en pensant que cela pouvait être le cas ? D’AUTRES EXERCICES DE TYPE « ARMAGEDDON » ONT-ILS EU LIEU LE 11-SEPTEMBRE ?
Un autre problème intéressant est celui de savoir si d’autres exercices militaires se sont déroulés au moment des attentats du 11-Septembre, en plus de Vigilant Guardian et de Global Guardian, simulant une guerre nucléaire. William Arkin écrivait en 1997 que Global Guardian était [seulement] « l’un des nombreux exercices de type "Armageddon" que les militaires organisaient régulièrement. » Il a également mentionné d’autres exercices de type "Armageddon". Par exemple, le commandement du combat aérien (Air Combat Command) doté d’ « avions de type B-1, B-2 et de bombardiers B-52, » ainsi que de batteries de missiles au sol, menait un exercice d’entrainement dénommé « Apollo Guardian. »[65] De surcroit, un rapport publié en 1997 par le Département de la Défense mentionnait une longue liste d’exercices « liés à Global Guardian », indiquant par là qu’il s’agissait d’entrainements menés conjointement avec Global Guardian. La liste comprenait Vigilant Guardian, connu pour s’être déroulé aux mêmes dates que Global Guardian en 2001, et également Crown Vigilance, Apollo Guardian et un entrainement du NORAD dénommé « Amalgam Warrior. »[66] En fait, Ken Merchant a expliqué devant la Commission sur le 11/9 qu’ « Apollo Guardian s’était effectivement déroulé le 11 septembre 2001 ».[67] On ne sait pas si Crown Vigilance ou Amalgam Warrior se déroulaient également ce jour-là. Et aucun détail n’a filtré sur ces exercices, ni sur qui était concerné, le type de simulation qu’ils incluaient, qui exactement y participait, et si – dans le cas où ils avaient lieu le 11-Septembre – ils ont eu un quelconque impact sur les capacités de riposte des militaires face à la situation d’urgence dans le monde réel. LES ENQUÊTES OFFICIELLES ONT NÉGLIGÉ LES EXERCICES
Considérant la nature de ces exercices de simulation de guerre nucléaire et le fait qu’ils étaient « à plein régime » au moment des attentats du 11-Septembre, il est remarquable qu’on leur ait prêté aussi peu d’attention. Le rapport de la Commission sur le 11/9 n’a consacré que quelques lignes à Vigilant Guardian dans la section « Notes » et n’a fait aucune mention de Global Guardian.[68] Un journaliste a interviewé récemment Donald Rumsfeld à propos de Global Guardian. Il lui faisait remarquer qu’à cause de cet exercice, « il y avait eu des endroits comme la base de l’US Air Force à Barksdale en Louisiane où s’étaient trouvées des files entières de bombardiers B-52 pleins de vraies charges nucléaires, » et écrivait : « avec autant d’inconnues sur qui exactement attaquait durant les premières heures, il doit y avoir eu pas mal d’urgences à gérer avec autant d’armes dans la nature. » Il a poursuivi en demandant à Rumsfeld : « Étiez-vous inquiet au sujet de toutes ces charges nucléaires à bord des avions dans des lieux comme Barksdale ce jour-là ? » Rumsfeld a répondu : « Je ne sais pas. » Son commentaire le plus fourni fut : « Il est clair qu’il y a toujours matière à préoccupation. »[69]Shoestring
Traduction GV
Source : AgoraVox