J'ai toujours été en vie avec mes contrastes, dès ma petite enfance, je courais avec les garçons après un ballon, mais avec mes jeans roses, ma couleur préferée. J'étais la princesse au coeur doux et au caractère bien forgé.
J'avais des amies, des copains pour jouer aux billes sur le tas de sable, je jouais, je travaillais en classe pour être la première, mais sans réussir à chaque fois. La volonté m'habitait pour devenir architecte, pas comme Numérobis d'Astérix, mais un grand comme ce monsieur géant Jean Nouvel, je l'admirais. Un jour même, je l'ai croisé et du haut de mes dix ans, je lui avais dit que je voulais être lui. Cet homme d'égo avait souri et m'avait encouragé à être moi, ou alors lui mais en version rose. J'avais grandi, changé de sport entre squash et badmindton, raccourci mes jean pour des jupettes, souri avec les garçons, tout en essayant de continuer mes études. Une vie avec de nouveaux paradoxes, j'avais épousé un bel ingénieur rencontré sur un chantier, j'étais devenu une des premières femmes conductrices de grue. Là-haut je l'aimais, je soulevais au centimètre près des masses de plusieurs tonnes. Frôlant les oiseaux, pour un travail bien terrestre, j'étais libre, dans ma petite cage, au-dessus d'eux. Amoureuse !
Et puis un jour, j'avais fait un test sanguin, un doute, des infidélités connues de mon compagnon, et une maladie, j'étais écroulée intérieurement, seule soudainement, avec une séropositivité en moi. Violemment, je venais de ne plus maîtriser ma vie, mais maintenant un monstre hideux couvais en moi ses oeufs, attendait pour son attaque, et moi, la belle aux cheveux longs, aux sourires respectés, aux jambes fines, je passais devant eux, je montais une à une mes marches, vers mon paradis, mais aussi mon enfer. Car seule, là-haut, je ne pensais qu'à cela, uniquement à cela, juste cela, toute la journée, entre deux camions, entre deux livraisons de ciment. Je pleurais, seule. Je ne l'aimais plus, je ne m'aimais plus.
Ma vie de féminité autour de moi, avec ma tenue de travail qui cachait de jolis sous-pulls, de jolies lingeries, des détails si féminins au milieu de tous ces hommes. Elle venait de vaciller. Je ne pensais plus à ces belles images de mode des magazines, ma passion, mon espace de vie et de passion, mon blog personnel le soir, juste pour moi maintenant et mes amies internautes. Je glissais souvent dans un magasin avant pour sentir les tendances, croiser des vendeuses complices et parfois même des amies, une petite famille. J'étais seule avec un goût d'abandon de la part de mes proches. Une incompréhension que je comprenais certains jours et beaucoup moins durant des soirées de stress, de doutes, mais je ne le partageais pas, je souffrais seule, avec mon médecin parfois. Une femme à mon écoute. Une folle de mode comme moi, on rigolait.
Alors avec mon métier atypique, mon secret pesant en moi, mon goût de mode, de collants colorés dans mes bottes, je souriais depuis peu, en partageant avec une nouvelle famille, une association si accueillante, sans ma vraie famille, celle de mon sang, étrangement.
J'avais ce miroir, celui qui me renvoyait mon image heureuse, libre et emprisonnée par mon propre corps, son intérieur qui déciderait de moi, je me soignais, je luttais en silence, je vivais. J'avais repris un chemin, une voie de reflets et de flous anonymes, un non standard, celui qui devait être le mien, entre le ciel de mes journées, les boutiques de mes soirées avec ma compagne, mon amie médecin, une amitié devenue sentiment palpitant, juste près de moi. Juste derrière moi, dans mon image, dans le canapé, en robe noire, en talons fins, elle resplendissait.
Chaque jour je montais au ciel, mais je savais m'arrêter en route, pour travailler, pour savourer mes contrastes, encore un bout d'une autre vie. Le paradis ne m'accueillerait pas tout de suite.
NYLONement