La mort est mon métier, Robert Merle

Par Bookine

Ecrit dès 1950 et publié en 1952, ce livre étonne par le recul de l'auteur sur le sujet,  quelques années seulement après les faits


Une lecture commune organisée par Kactuss sur Livraddict m’a enfin motivée à lire ce livre qui avait élu domicile dans ma PAL depuis un moment. Et, pour une fois, je suis très fière car je suis dans les temps pour la LC!! :)) Je lis beaucoup sur l’holocauste et le nazisme et souvent, je dois le reconnaître, les livres se ressemblent, n’apportent rien de nouveau. Du coup, j’ai été plutôt surprise par cette lecture. Surprise car malgré le sujet maintes fois abordé, l’angle sous lequel les choses sont présentées est intéressant.  Nous suivons en effet le personnage principal, Rudolf Lang, depuis son enfance jusqu’à la fin de la guerre durant laquelle il a occupé le commandement du camp de concentration d’Auschwitz.  Construit comme un roman, cet ouvrage n’en reste pas moins un témoignage sur la vie de celui qui a été chargé de mettre en place et « d’optimiser » la solution finale. Un avant-propos de l’auteur nous présente son ouvrage comme un complément des Mémoires de cet officier SS, qui malheureusement a réellement existé : Rudolf Höss. Intéressant d’ailleurs de mettre en perspective l’un et l’autre, auteur et personnage du romancier. Robert Merle aurait en effet été très marqué par sa captivité qui a duré de 1940 à 1943 et qui deviendra l’un des sujets qui marqua son œuvre. Le récit de la mort est mon métier se découpe en deux temps. Le premier, celui par lequel nous apprenons à connaitre Rudolf. Son enfance, marqué par l’un figure d’un père névrosé et tyrannique. Des tocs et des traits de caractères qui apparaissent très jeune et une dévotion absolue à la Patrie. Cet ensemble conduira le jeune Rudolf à s’engager très tôt au parti nazi, alors que celui-ci était encore clandestin. Le second temps, celui où tout bascule, est le moment où il accepte la mission spéciale qui lui est confiée par le Reichfuhrer lui-même : le point de non retour de l’indignité humaine, la solution finale. Celle-ci est alors abordée de manière factuelle, industrielle même. Comment respecter les cadences imposées par le rythme des convois de plus en plus fréquent. Aucune humanité ne rentre en ligne de compte là dedans et le commandant ne se pose d’ailleurs à aucun moment la question. Pour lui, une seule chose compte :  on lui a donné un ordre, il doit y répondre bien, voire mieux que bien. Il est sûr que l’on ne peut pas s’attacher au personnage principal, même son enfance, malheureuse il faut bien l’avouer, ne m’a pas émue et ne peux expliquer ce manque, que dis-je, cette absence totale d’humanité dans ce personnage.  Pour terminer, j’aimerai préciser une dernière chose remarquable sur ce livre. Il s’agit de sa précocité. Aujourd’hui en effet, nous l’avons dit plus haut, les ouvrages historiques ou romans, ainsi que les témoignages sont nombreux sur le sujet. Mais, 1950 mais surtout publie en 1952 ce livre j’imagine la « révolution » que cela a dû être, alors que la réalité de ce qui s’est passé dans les camps restait à la fois un mystère et surtout un tabou. Le courage de cet auteur, qui s’adresse à un public qui n’est pas prêt à lire ce qu’il a à dire, ne fait qu’ajouter à mon admiration. Je recommande la lecture de ce livre, à compléter par la lecture de Si c’est un homme de Primo Levi, pour lire les choses de l’autre côté.