Ce mardi, la Sarkofrance avait la gueule de bois. Le chômage explose. L'euro menace toujours de sombrer. Le couple franco-allemand n'est toujours pas d'accord.
L'Europe sombre. Mais Sarkozy rend visite en jet présidentiel à des agriculteurs castés.
Chômage
Vous souvenez-vous de cette incroyable promesse, en janvier 2010, sur TF1 ? Elle émanait d'un Nicolas Sarkozy avide de convaincre: « Je sais que dans les semaines et les mois qui viennent, vous verrez reculer le chômage dans notre pays ». Un an plus tard, toujours en janvier, et toujours sur TF1, re-belote. Le 7 avril dernier, il expliquait encore: « Maintenant qu'on sort de la crise, c'est un problème de justice, de justice sociale envers les salariés et les ouvriers qui travaillent dur que de s'assurer que celui qui est au chômage et qui a des allocations grâce à la solidarité nationale fera tous ses efforts pour accepter une offre d'emploi, pour accepter une formation pour s'en sortir. (...) Ne pas contrôler, ne pas exiger des résultats de ce point de vue, me semble-t-il, est injuste »
Quelques mois plus tard, le constat est terrible. Le Monarque s'est trompé, gravement. Il a promis, pour rien. Les nouvelles sont mauvaises. Bien sûr, Nicolas Sarkozy n'a pas abandonné ses salves verbales contre la fraude sociale. Mais le chômage s'est aggravé.
Depuis qu'il a récupéré un strapontin ministériel voici tout juste un an, Xavier Bertrand a trouvé la bonne formule: il nous prévient la veille de la publication des chiffres mensuels du chômage que les statistiques du lendemain seront mauvaises. Dimanche soir, il s'était donc précipité à la télévision pour prévenir: « le chômage va progresser au mois d'octobre. (...) tant que la situation économique ne s'améliorera pas, je ne vois pas comment les chiffres de l'emploi pourront réellement s'améliorer. » Effectivement, les clignotants étaient au rouge: le nombre de demandeurs d'emploi atteint les 5.064.700 inscrits à Pôle Emploi, en hausse de 196.000 en un an (catégories A à D). Le chômage atteint ainsi un niveau inégalé depuis 1999. Sur le seul mois d'octobre, quelque 600.000 personnes ont perdu un emploi, après 700.000 le mois précédent. Les chiffres donnent le tournis. D'ici l'élection, le taux de chômage devrait dépasser les 10% de la population active.Toutes les catégories sont touchées: les seniors de plus de 50 ans, les jeunes de moins de 25 ans, les hommes, les femmes, etc...
La performance est d'autant plus terrible que les conditions d'inscriptions à Pôle Emploi n'ont cessé de se durcir, des radiations définitives ou temporaires après 2 offres « raisonnables » refusées aux désinscriptions automatiques en fin de mois en cas de défaut d'actualisation informatique.
Accuser la récession sera bien facile. Outre-Rhin, le gouvernement allemand a massivement encouragé le chômage partiel (bien plus qu'en France), qui concernait quelque 1,5 million de salariés en 2009 (soit 26% de la population active, contre 18% en France). En raison d'une obstination idéologique coupable, le gouvernement de Sarkofrance a préféré maintenir la défiscalisation des heures supplémentaires. Comme le rappelait le blog Déchiffrages en février dernier: les Français travaillent davantage que les Allemands (« 1.309 heures pour l’Allemand, 1.468 heures pour son collègue français ») et sont plus nombreux au chômage... Merci qui ?
Incompétence
Une mauvaise nouvelle n'arrivant jamais seule, le Conseil d'Etat a annulé le gel des prix du gaz prononcé par décret gouvernemental en septembre dernier. Suite au renchérissement des prix de l'énergie, le gaz devait subir une augmentation d'environ 8% d'ici la fin de l'année. Soucieux de prouver que la privatisation de GDF n'aurait aucune incidence sur le contrôle de ce service public, le gouvernement, Eric Besson en tête, avait interdit toute augmentation des tarifs du gaz. C'était simplement... illégal. Les concurrents privés de GDF-Suez avaient déposé un recours, ils ont gagné. Ce gouvernement est incompétent.
Le ministre de l'industrie Eric Besson ne s'est pas précipité, mardi matin, pour commenter la mauvaise nouvelle sur les plateaux de radio-télévision. A quelques mois de la présidentielle, la peine est double : non seulement le candidat Sarkozy est à nouveau pris en défaut de mensonges, mais des millions de foyers subiront l'inévitable hausse juste avant l'élection... Car la hausse est inévitable et sera lourde, entre 8 et 10%.
Menaces
Depuis lundi, Nicolas Sarkozy et ses conseillers tremblent à nouveau. L'agence Moody's a menacé l'ensemble des 6 pays de la zone euro d'une dégradation de leur note. Nous payons deux années d'immobilisme politique européen. Merci qui ?
Pire, l'OCDE ajoutait une mauvaise nouvelle: selon l'organisation internationale, la croissance européenne ne sera que de 0,2% l'an prochain, et de 0,3% en France. L'organisation recommande un troisième plan de rigueur, à hauteur de 8 milliards d'euros. François Baroin, ministre de l'économie, s'est rapidement déclaré confiant que ce serait inutile puisqu'il avait 6 milliards de réserve. Où ça ? On ne sait pas. Et « son » budget reste fixé sur 1% de croissance. Allez comprendre. Depuis quelques jours, le fameux Fond Européen de Stabilité Financière a quelque difficulté à lever des fonds sur les marchés.
On imaginait donc qu'il y avait urgence à provoquer une rencontre Sarkozy/Merkel pour finaliser les négociations sur un éventuel nouveau traité européen. On se souvient du Nicolas Sarkozy bondissant qui, à peine élu en 2007, s'était précipité dans nombre de capitales européennes pour convaincre du Traité de Lisbonne. Ce temps-là est révolu depuis longtemps. Mardi soir, les ministres des finances de l'euro-group se réunissaient à Bruxelles.
Mais Sarkozy a préféré faire campagne à la campagne. Un déplacement encore une fois électoral et sans rapport avec l'urgence quasi-quotidienne de parvenir à un réel accord européen sur le sauvetage de l'euro. Il a prévu de parler d'Europe à Toulon, et pas avant. Il se contente de quelques coups de téléphones, ensuite médiatisés par ses proches ou un communiqués. On sait qu'il a causé avec Angela Merkel. Il n'arrive pas à la convaincre d'autoriser une intervention plus large de la BCE sur les marchés et le lancement d'eurobonds. Mme Merkel, au contraire, voudrait surtout un Super-Traité de Maastricht. Notre Monarque croyait parvenir à un accord avec elle avant son Grand Déplacement à Toulon jeudi. Mardi après-midi, il avait abandonné tout espoir, croyait savoir Arnaud Leparmentier.
Campagne
Devant quelques agriculteurs, mardi 29 novembre à Gimont, dans le Gers, Nicolas Sarkozy s'était assis pour une heure et demi de table ronde « verrouillée », comme le nota un journaliste local. Le village est rural, avec ses 3.000 habitants, et bien isolé pour éviter toute manifestations. La Préfecture du coin, transformée en agent recruteur, avait invité 1.600 personnes. Elle avait oublié l'Association des paralysés de France, qui le fit savoir. Les questions avaient été préparées, et certaines, jugées gênantes, interdites. Sarkozy était arrivé en jet présidentiel vers 11h. Plus tôt, il avait tenu son habituel petit-déjeuner politique avec quelques responsables UMP à l'Elysée.
Il voulait discuter des « conditions de vie » des agriculteurs, comme le précisait l'invitation officielle. Il ne fit qu'empiler des généralités et des tacles électoralistes. Ainsi nous eûmes droit au traditionnel couplet sur les retraites (« Nous vivons plus longtemps, il faut donc travailler plus longtemps ») assorti de l'habituel tacle contre la gauche (« En 2017, le régime des retraites sera équilibré. Où en serions-nous aujourd'hui si je n'avais pas fait ça ? Et les grands discours qui disent, si on est élu on reviendra dessus, vous verrez, ils seront oubliés dès que vous aurez voté. » ) et d'une auto-satisfaction narcissique (« Ce n'est pas facile de dire qu'il faut travailler deux ans de plus, mais j'ai préféré affronter la mauvaise humeur des gens »).
Sur le fond, il n'eut aucune réponse ni annonces concrètes. Il joua au président compréhensif de leur « souffrance », si fier de lui-même: « au moins je n'ai pas biaisé, je n'ai pas menti, je n'ai pas mis la poussière sous le tapis.» On sourit. Le Monarque avait servi la même formule, dans le Centre, en février 2010. C'était déjà pour une campagne, celle des élections européennes.
Sans surprise, le candidat officieux Nicolas Sarkozy tacla également les écologistes, évidemment qualifiés de « sectaires »:
« Je sais bien qu'il y a un petit courant de pensée qui pense que l'homme est un gêneur, que la terre serait tellement plus heureuse si les hommes ne vivaient pas, ne travaillaient pas, ne mangeaient pas, ne buvaient pas ».Mais bien sûr, précisa le candidat: « Il ne faut pas opposer l'environnement et les agriculteurs ».
« On met de côté les sectaires et on met de côté dans l'agriculture les comportements ou les propos »
« L'agriculture a joué le jeu du changement et de la raison, et quand je dis les sectaires, vous voyez bien ce que je veux dire ! »
On sourit.
Ou on pleure.