La suspension de culture du maïs OGM de Monsanto, décidée par le gouvernement français en février 2008 vient d'être annulée par le Conseil d'Etat. Quelles en sont les causes d'une telle décision et ses éventuelles conséquences ?
"Le Conseil d'État relève que le ministre de l'agriculture n'a pu justifier de sa compétence pour prendre les arrêtés, faute d'avoir apporté la preuve de l'existence d'un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l'environnement", a indiqué l'organisme en question dans un communiqué.
On y croyait dur comme fer : la France protégée de la culture d'OGM. On la croyait exemplaire sur le principe de précaution face aux OGM. Fatale erreur ! Ce retournement de situation témoigne des limites du principe de précaution et s'explique par le recours déposé par la société Monsanto, à l'affut de la moindre faille juridique.
Voici ce qu'en dit d'ailleurs le Conseil d'Etat dans un communiqué : " La société productrice de maïs génétiquement modifié MONSANTO et d'autres requérants attaquaient deux arrêtés du ministre de l'agriculture et de la pêche : celui du 7 décembre 2007, suspendant la cession et l'utilisation des semences de maïs génétiquement modifié MON 810 et celui du 7 février 2008, modifié par l'arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture de ces variétés de semences. "
Comment un tel retournement est-il possible ? Si on effectue un petit retour en arrière, on constate qu'en 2008, la France avait eu recours à la "clause de sauvegarde" prévue par la législation européenne et invoqué des "risques sérieux pour l'environnement " afin de suspendre la culture du maïs génétiquement modifié. Et le Conseil d'Etat avait été saisi de plusieurs recours provenant de Monsanto, de l'Association générale des producteurs de maïs et plusieurs producteurs de semences.
Impasse juridique ou décision sous influence ?
La décision du Conseil d'Etat qui a été rendue aujourd'hui aurait donc été influencée par celle de la Cour européenne de justice (CEJ), qui en 2008, avait trouvé matière à contester. En principe, les autorités de l'Union européenne sont seules compétentes pour prendre des mesures de suspension et d'interdiction. Ainsi, la CEJ stipule qu' "un Etat membre [de l'UE] ne peut recourir à la clause de sauvegarde pour adopter des mesures suspendant puis interdisant provisoirement l'utilisation ou la mise sur le marché d'un OGM tel que le maïs MON 810". Mais, embrouillant les législateurs, elle précisait que des "mesures d'urgence" pouvaient cependant être adoptées. Dès lors, en quoi la décision prise par Bruno Lemaire n'entrai-elle pas dans le cadre d'une " mesure d'urgence " ?
La CEJ précise que lorsqu'un Etat entend prendre une telle décision, il doit respecter plusieurs conditions. Et malgré l'urgence de la situation, il est tenu de prouver l'existence d'un risque " mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement", soulignait également la Cour. L'évaluation des risques doit être "aussi complète que possible ", insistait le tribunal. Or le Conseil de l'Etat considère que 'le ministre de l'agriculture n'a pu justifier de sa compétence pour prendre les arrêtés, faute d'avoir apporté la preuve de l'existence d'un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l'environnement.'
Une réaction rapide du gouvernement est requise
A titre de rappel, seules 2 cultures OGM sont à ce jour autorisées dans l'UE : le maïs MON 810 et la pomme de terre Amflora, développée par le groupe allemand BASF. La France avait à ce jour interdit leur culture. Et une quinzaine d'autres cultures OGM, sont en attente d'une autorisation des gouvernements des pays membres de l'UE.
"La balle est dans le camp du gouvernement (qui) doit à nouveau interdire la mise en culture du Mon 810 en se servant des fondements juridiques adaptés", a réagi le mouvement écologiste Greenpeace, auprès de l'AFP. "Si le gouvernement ne fait pas le nécessaire, en mettant en place une nouvelle interdiction, on risque donc de voir réapparaître les OGM dans nos champs dès le printemps prochain", a prévenu dans un communiqué Sylvain Tardy, directeur des campagnes de Greenpeace France.
La décision du Conseil d'Etat n'est pas synonyme de l'introduction immédiate du MON 810 dans les cultures françaises puisque cet organe n'a qu'un rôle de conseil et de juridiction de l'Etat. Encore un peu d'espoir, donc. Mais un suspens insoutenable pour les anti-OGM !
Olivia Montero