Est-il encore nécessaire de vous présenter Aubrey ‘Drake’ Graham ? Le rappeur canadien le plus populaire depuis Snow dans les années 90 ! Cela m’évitera d’écrire un un paragraphe d’introduction pompeux sur la poule aux oeufs d’or de Lil Wayne… En parlant d’or, la pochette de Take Care en suinte et au milieu de ça, Drake a l’air de s’ennuyer royalement. De là à dire que ce second album est chiant comme la pluie, mmh, je n’irai pas jusque là.
Sans surprise, le Young Money Millionaire nous ressert un concentré d’emo-rap élaboré par son producteur/ingé son fétiche Noah ’40′ Shebib, qui le suit comme son ombre depuis sa mixtape So Far Gone, ainsi que T-Minus. Chaque action qu’il décrit devient alors très émotionnelle, mélancolique (pour ne pas dire déprimante), comme dans les films Twilight. Quand on écoute « Shot For Me« , « Crew Love« , « Marvin’s Room« , « Doin’ It Wrong » (avec monsieur Stevie Wonder à l’harmonica), bref durant la moitié du disque, on a cette impression de vivre des moments comateux en slow-motion, quand le temps se ralentit avec la bande-son étouffée et la vision qui devient embuée. Toute cette douceur ramollie et rosée comme du marshmallow pour narrer sa recherche de l’âme soeur et ses déceptions, en confondant strip-club et agence matrimoniale.
Les raps de Drake viennent troubler cette torpeur relativement assommante, parfois avec quelques bons morceaux dénués d’arrangements pop (« Under Ground Kings« , « HYFR » avec Weezy ou l’émorne « Lord Knows » feat Rick Ross et produit par Just Blaze). Et l’intervention d’Andre 3000 sur « The Real Her » est une bénédiction, idem pour l’impressionnant Kendrick Lamar sur l’interlude « Buried Alive« . On ne pourra pas en dire autant de la perf de Nicki Minaj sur « Make Me Proud« . L’aigreur de la voix de Drizzy n’a d’égal que l’amertume de ses lyrics, son flow, un ompromis entre Lil Wayne et Kanye West, ou même R Kelly pour cette habileté à passer du chant (sans autotune) au rap. Bien que les progrès au chant soient notables il est vrai, Drake se fait cependant manger par les révélations Frank Ocean et The Weeknd, qui lui participe à deux tracks (« Crew Love » et le morceau final « The Ride« ).
Les peu nombreuses ellipses r&b que l’on retrouve sur « Cameras » (avec en fond un sample de « Callin You » de Jon B) et plus particulièrement « Look What You’ve Done » (prod. Chase N Cashe) redonnent plus de texture à Take Care quand la plupart des autres morceaux édulcorés vous paraîtront trop fades. « Take Care » aussi redonne un peu de vie grâce à cet instrumental dance signé Jamie xx et l’apparition de son amourette d’un jour Rihanna.
Par rapport à Thank Me Later, le style de Drake s’affirme sensiblement (le mot est faible) sur cette suite plus personnelle, dont le mérite revient évidemment au producteur Noah Shebib. Car c’est bien lui qui permet à l’ancien acteur Aubrey Graham de jouer son meilleur rôle, celui d’un wanna-be-a-platinum-rapper à la recherche de l’amour. Touchant.
Take Care (Young Money/Cash Money/Universal Motown/Barclay), disponible maintenant